2018 août 25
Siphon des Présidents
22:40 - Par Sébastien Pittet - Explorations - Lien permanent
Découvert en 2004, le Siphon des Présidents représente l'un des terminus du secteur. Ce samedi 25 août 2018, soit 14 années après sa découverte, il a été franchi. Retour sur une expédition qui relance les perspectives d'explorations dans le secteur 2004.
Historique
Nous sommes le 29 mai 2004. Ce jour-là, le Siphon des Présidents sera découvert.
- Quelles circonstances ont conduit au baptême du Siphon des Présidents ?
- Pour quelle raison est-il étroitement lié au Siphon des Extrémistes qui le précède de 15 mètres ?
Pour répondre à ces questions, il est nécessaire de se replonger dans l'histoire des explorations du Réseau des Fées de Vallorbe. En cela, le site d'Agamemnon est capital puisqu'il retrace fidèlement les événements et notamment ce qu'il s'est passé lors de la découverte du Siphon des Présidents, le 29 mai 2004. On peut y lire :
Une semaine auparavant, une sortie interclubs avec 11 participants, dont quelques VIP... (Verry Important Président !), a permis de visiter nos dernières découvertes. Ce jour-là, en arrivant au terme de la galerie des Fossiles, quelle ne fut pas notre surprise de voir que le siphon était... désamorcé ! Sur le moment, une partie des participants désiraient promptement s'improviser en explorateur... mais grâce à notre pugnacité nous avons réussi à les en dissuader ! Les négociations n'ont certes pas été commodes... mais nous avons tenu bon !!! En effet, à défaut de matériel de topographie nous n'allions tout de même pas déroger à la devise des Fées : EXPLORATION = TOPOGRAPHIE !
Pour l'anecdote, nous avons toutefois toléré de nous octroyer un maximum de 10 pas en terrain vierge, que finalement, d'aucuns ne considéraient plus comme des pas de spéléologues... mais des pas de géants ; il est vrai que cela n'avait pas été précisé... Cette situation s'est bien évidemment déroulée dans la bonne humeur, l'équipe du GEF (Groupe d'Exploration aux Fées) était cependant qualifiée "d'extrémiste" ! Ce fut donc l'occasion de donner un nom au siphon temporaire que nous venions de franchir, qui dès lors est devenu le siphon des Extrémistes !
Aujourd'hui, nous allons enfin savoir ce qui se cache au-delà, nous disposons cette fois du matériel topo ! Franklin, Jacques, Michel et Pierre sont présents, nous sommes parés pour l'aventure ! Malheureusement, elle fut de courte durée puisque 25 mètres plus loin, et seulement 10 mètres après le point atteint lors de la dernière incartade... nous sommes arrêtés par un nouveau siphon ! Telle est la loi de l'exploration, où chaque détour de galerie peut être synonyme de fin. Ici, c'est en revanche moins dramatique, nous sommes peut-être en présence d'un énième siphon temporaire. Et même si ce n'est pas le cas, un plongeur aura de quoi trouver son bonheur. Laissons un peu de temps au temps, le réseau recèle encore de nombreux endroits qui ne demandent qu'à nous accueillir... Avant de quitter les lieux, nous décidons de nommer le nouvel obstacle : siphon des Présidents. C'est bien sûr en l'honneur des précédents explorateurs qui ont dû s'arrêter involontairement... à même pas 10 mètres du siphon !
Une plongée 'fond de trou'
Si l'endroit est resté inviolé depuis 14 ans, c'est donc que les explorations étaient plus simples à d'autres endroits du Réseau. Et que les moyens et les compétences nécessaires ne courent pas les galeries. Il faut en effet transporter le matériel de plongée à plus d'un Km de l'entrée, dont une grande partie à quatre pattes, le reste en rampant ou plié en deux.
En outre, la rive du siphon est argileuse et très humide. A force de piétiner l'endroit, tout devient sale et peu propice à la manipulation d'un matériel délicat. Pour terminer, une fois la mise à l'eau du plongeur, l'eau se trouble immédiatement et la visibilité est nulle. Au retour, seul le fil d'Ariane pourra guider le spéléonaute vers ses collègues impatients. Pas de doute, c'est une plongée 'fond de trou'.
Le portage
Ce matin du 25 août 2018, le matériel de plongée est préparé sur le parc des Fées. Dernière vérification, tout est complet. La veille, Michaël a réalisé une courte plongée avec ce même matériel pour valider que 10 Kg de plomb suffiront. Inutile d'en transporter davantage, chaque Kg compte ! Les deux bouteilles d'air comprimé seront portées 'à l'anglaise', en side-mount. La redondance est assurée.
Peu de temps après, tout a trouvé une place dans les kits et malgré les défections du jour, nous arrivons à limiter la charge à un seul kit par personne. C'est donc un plongeur et ses 4 porteurs qui prennent le chemin de la grotte.
Sur place
Nous arrivons sur place éprouvés par le trajet et le poids du matériel. Pas de casse, tout est parfait. Nos combis nous tiennent bien assez chaud et nous sommes déjà impatients pour la suite.
Le siphon est très bas, environ 1,5m plus bas que d'habitude. Ce point est important et facilitera certainement l'opération.
Cependant, les choses sérieuses ne commenceront qu'après un repas frugal : la plupart de nos pic-nic sont restés en surface, par manque de place ! Nous nous limitons à quelques biscuits et un peu de chocolat. Le mieux loti de l'équipe se prépare un sachet de soupe avec l'eau du Siphon présidentiel.
Pendant le repas, chacun y va de ses questions, de suppositions ou conseils au plongeur :
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Et s'il est impossible de passer en raison d'un éboulement ?
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Pensez-vous que Michaël trouvera une zone exondée ?
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Est-ce grand ? Long ? Profond ?
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Quasi-sûr que c'est lié au siphon des Chercheurs d'Or !
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Surtout, ne prends aucun risque, Michaël !
Puis, ce sera l'heure des photos de groupe pour immortaliser le moment. De gauche à droite, on aperçoit Marc, Michaël, Antonio, Pierre et Sébastien.
Puis, notre plongeur s'équipe et se met à l'eau.
La plongée
Les lumières de Michaël s'enfoncent dans l'eau noire/brune. Les bulles ne sont bientôt plus perceptibles. Nous sommes contraints à l'attente. Parfois, son fil d'Ariane bouge un peu.
Une heure avant, nous étions en surchauffe, tant le trajet nous a fait transpirer. Désormais, le froid s'empare de chacun de nous, peu à peu. Mais personne ne se plaint et chacun pense à Michaël, immergé dans une eau qui doit approcher les 5-6 C°. Le seul sachet de soupe déjà avalé, nous nous contentons de chauffer l'eau du siphon, pour nous réchauffer.
Notre plongeur revient rapidement. A-t-il eu un problème ? Rien de cela, il a simplement déjà trouvé le passage et a fait surface de l'autre côté ! Il explique que le siphon est finalement court, pas plus de 10m. de long. Une nouvelle plongée sera nécessaire pour installer une corde, sorte de fil d'Ariane.
Puis, Michaël nous demandera d'empaqueter un appareil de photo, de façon à prendre quelques images de la suite de la galerie. Il indique avoir besoin d'une heure pour faire quelques mètres et ramener des images. Celui-ci reviendra pile à l'heure, ce qui nous évite quelques inquiétudes.
Après le siphon ?
Notre courageux plongeur a été victime d'une avarie. Une lame de roche bien tranchante a endommagé son manchon. Sa combinaison étanche a pris l'eau et il a directement ressenti la fraîcheur de l'eau ! Il ressort trempé. Nous lui passons un peu d'eau chaude. Pensant avaler de la soupe, il trouve le breuvage un peu fade !
Nous ressortons ensuite tout le matériel. Plus tard, autour de la pizza, voici ce qu'il nous expliquera :
Après avoir franchi le siphon (environ 1 x 1m) d’une longueur de 10 m, il a fait surface dans une belle vasque de 2m. de diamètre. Michaël a ensuite avancé d'une vingtaine de mètres dans une galerie remontante très découpée et argileuse, dans le syle de celle avant le siphon. L'azimut approximatif évolue de 330° au début puis plutôt proche de 270°. Voici une vue post-siphon :
Au point haut, cela repart plus ou moins à l’horizontale, en revanche la progression s’effectue à nouveau dans l’eau dans une sorte de rue d’eau de 1m de large pour 2m de haut où il a progressé encore d’une trentaine de mètres, en franchissant 4 à 5 voûtes mouillantes !!!...
Arrêt sur rien, mais dans le même style que les 30m précédents.
Nous pensons que l'exploration post-siphon :
- Ne pourra pas bénéficier de pompage (difficulté d'évacuer l'eau, trop de voûtes mouillantes)
- Devra attendre un période sèche, pour que le siphon soit aussi bas, ce qui permettrait que les voûtes mouillantes suivantes soient passables.
- Demandera une petite équipe de 2-3 plongeurs, équipés légers pour franchir le siphon avec une petite bouteille de 3-4 litres.
- Relever la topo à l'ancienne (chevillère, instruments classiques, papier et crayon) ou Disto étanche.
Commentaires
Super roman-photo Sébo-La-Spéléo! Cette fois les illustrations ne sont pas aux abonnés absents! :-) La suite semble d'abord poursuivre la même direction générale que la galerie ( 330 grades ) pour ensuite virer à Gauche direction Ouest, Sud-Ouest ( 270 grades ) Ca nous mènes grosso-modo vers le centre de gravité du réseau… Certes; la suite ne va pas être un cadeau à explorer; le siphon, même à 10 mètres n'est guère franchissable en apnée, même avec une corde de guidage! Mais, bon; avec les sécheresses chaque année plus sévères qu'engendre le changement climatique; il n'est peut-être pas illusoire qu'une de ces prochaines années il pourrait s'abaisser suffisamment pour que la série de verrous soient franchissables sans matériel spécifique?! Patience et merci aux courageux porteurs et au plongeur d'avoir repoussé encore le terminus de ce collecteur facétieux ;-)
Le 30 août 2018, 19:16 par Millepattes
Salut Millepattes !
Attention, l'azimut n'est pas en grades mais probablement en degrés. Cela a été mesuré via l'ordinateur de plongée. Remarque que cela ne change pas grand chose.
Merci pour ton commentaire !
Le 31 août 2018, 06:41 par Sebastien
Ok. Je recalculerais les azimuts en prenant les degrés... A le souci des détails ! ;-)
Le 31 août 2018, 10:56 par Millepattes
Hello Sébastien !
Merci beaucoup pour ce chouette compte-rendu par écrit, ça compense un peu le fait de ne pas avoir pu écouter ce récit de vive voix, deux des participants étant absents (au fond des cañons espagnols) le soir des portes-ouvertes du 40e anniversaire du SCC...Tant pis pour le direct et merci pour ta prose, Sébo.
Mais pour des sécheresses aussi prononcées que l'actuelle, il va falloir attendre longtemps, ne penses-tu pas Millepattes?
J'ai quand-même une question...Dix mètres de siphon, OK, mais à quelle profondeur ? Michaël a-t-il pu relever ça en plongeant?
En tout cas, merci à lui d'avoir levé un peu du mystère qui entourait ce plan d'eau sombre et boueuse.
C'est quand même rudement courageux de faire ce genre de plongée dans la touille ...Chapeau !
Les Nymphes seraient sûrement plus sympa à découvrir, moins de boue ...,bien plus grand..., mais je n'imagine même pas la descente du matériel dans les Follatons, ni même le ramping dans le Graal avant d'y arriver...(!)
Un grand bravo aux porteurs aussi !!
Le 2 sept. 2018, 11:30 par Guili
Bravo les gars. Beau récit et belles photos. Sympa pour les porteurs et non plongeurs que Michaël aie pris des photos post-siphon.
La sécheresse est toujours là...
Je suis partant pour un future portage surtout que je ne connais pas cette zone.
Le 2 sept. 2018, 12:55 par Glaude
Alors c'est clair! En degrés ca donne plein Ouest; soit la direction de Guenièvre, mais peut-être un étage plus bas… Bon; il y a encore trop d'inconnus entre-deux! Alors Gui-gui; question sécheresse, je crois qu'on est loin d'avoir tout vu; notre climat devient toujours plus méditerranéen! Des étés toujours plus secs séparés d'une saison pluvieuse… Alors, pour peu que le plancher du siphon perde un peu d'eau; tout devient possible, mais faut être là-bas au bon moment; c'est ça le fin mot de l'histoire! ;-)
Le 2 sept. 2018, 18:57 par Millepattes
Merci pour vos nombreux commentaires, c'est motivant ! Il est vrai que j'ai passé un peu de temps à rédiger ce récit.
@Glaude : on pensera à toi pour une sortie dans cette zone (un futur portage?).
@Gui-ly : à mon sens, la sécheresse sera à nouveau de mise l'an prochain. Le réchauffement climatique nous donne des étés qui battent tous les records. Il y'a bon espoir. S'agissant du siphon, la profondeur est si faible que l'ordi de plongée n'a même pas ''compris'' qu'il y'avait eu une plongée. On parle d'1 mètre de profond. Pas besoin de palme, ni probablement de plomb.
Le 2 sept. 2018, 22:30 par Sebastien Pittet