Après une bonne semaine sans pluie et un temps qui s’annonce radieux pour tout le week-end, nous sommes très confiants pour nous rendre dans le secteur ouest, notamment pour franchir la zone de lacs qui nous a stoppé lors de la dernière sortie, avec le but de continuer l’exploration de la galerie du Dragon.

Il est 08h00 lorsque la trappe de la baume des Follatons se referme. Au bas de l’échelle fixe, nous sommes assaillis par des centaines de gros moustiques, qui ont trouvé là un refuge idéal pour se reproduire à l’abri des prédateurs. Heureusement pour nous ils ne piquent pas, d’autant qu’après les premiers mètres de corde nous retrouvons vite la quiétude de notre monde chéri.

Après l’enfilade des puits, la galerie du Graal, pour ainsi dire sèche, en devient presque un plaisir ! Une fois dans le méandre Pinpin, nous faisons un petit crochet à la galerie des Epées, pour montrer à Denis la particularité de l’endroit ; il n’est jamais venu dans ce secteur de la cavité. Nous reprenons ensuite notre route, ponctuées de petites haltes, avec les usuelles impressions et anecdotes vécues par les premiers explorateurs.

L’arrivée au pont de singe marque un soulagement, il n’y pas d’eau. L’objectif du jour va donc pouvoir se concrétiser, je me plais déjà à imaginer les merveilles qui nous attendent… Peu après, toujours dans la galerie Glaisine, nous arrivons au débouché d’une galerie latérale en rive gauche.
Lors de la topographie de cette zone en février 2007, avec Claude-Alain c’est sans nous en rendre compte que nous avons emprunté cette galerie, croyant être toujours dans Glaisine, aux proportions et à la sédimentation similaire. Finalement, arrêtés par un petit lac après une centaine de mètres, nous avons alors compris notre erreur et sommes revenus sur nos pas ; nous avions mieux à faire en poursuivant la topographie du collecteur principal.

Aujourd’hui, cela fait déjà 5 ans de cela, nous nous posons alors la question de savoir si cela vaut la peine d’y consacrer un peu de temps pour les mensurations, histoire de liquider le coin ! Pour nous donner une idée du travail, nous décidons d’aller voir ce qu’il en retourne.
Après une centaine de mètres, un petit carrefour se présente et toujours pas de lac à l’horizon ! Du coup, je commence à me poser des questions, il faut dire qu’à l’époque c’est en coup de vent que nous avons parcouru les lieux, après avoir compris que nous nous étions trompés de chemin.

- Bon bah finalement qu’est-ce qu’on fait ?

Comme le secteur à l’air plus étendu et intéressant qu’il n’y paraissait au départ, nous en déduisons que nous risquons d’y passer la journée, et ainsi nous détourner de l’objectif principal que nous nous étions fixés, soit la galerie du Dragon. Pour la seconde fois, la décision est donc prise de reporter l’exercice, espérons juste que ce ne sera pas dans 5 ans !

Plus loin, après le labyrinthe des Eclaireurs, le franchissement de la vire du petit lac ne pose pas de problème, nous pouvons dès lors parcourir la majestueuse galerie du Dragon, qui en impose surtout par ses dimensions. Bientôt, nous arrivons à pied d’œuvre pour le début des réjouissances, cela fait 4 heures que nous progressons.

Dans un premier temps, nous effectuons une reconnaissance dans une petite galerie inférieure qui décrit une boucle latérale d’une soixantaine de mètres. Elle est sans intérêt, néanmoins, elle nous permet de remarquer quelques beaux spécimens de végétaux et coraux fossilisés.
Nous attaquons ensuite le mets principal, à savoir la suite de la galerie du Dragon, une zone concrétionnée et, à priori, remontante. Lors de la dernière expédition, c’est à distance que je voyais cet endroit, je dois reconnaître aujourd’hui c’est quand même plus petit et moins beau que ce à quoi je m’attendais !

Mais bon, faut quand même pas faire la fine bouche… la section fait quand même 6 x 5 mètres, avec des stalagmites et stalactites à foison, et qui plus est, le sol est entièrement recouvert de calcite ! Devant nous, une grande coulée forme une belle muraille de calcite. A 3 mètres du sol, une grande lucarne nous invite à escalader sans trop de peine la langue verticale de calcite ruisselante. Dans la fenêtre, nous pouvons mesurer toute l’ampleur du courant d’air balayant les lieux : surprenant et frigorifiant ! Au-dessus, la coulée se poursuit et laisse présager un étage supérieur pénétrable, mais pour l’heure nul besoin d’aller si haut puisque nous sommes au départ d’une belle galerie d’environ 4 x 4 mètres.

Encombrée de blocs, celle-ci s’agrandi à mesure que nous avançons, mais c’est de courte durée car après un cran de descente dans un grand virage à 180 degrés, la galerie se rétréci et revient sous elle-même. Là, après un passage bas, une petite galerie humide nous conduit après une vingtaine de mètres dans un coude à angle droit. Ici, la configuration change à nouveau, mais malheureusement : en pire !...

En effet, la suite n’est guère enthousiasmante puisqu’elle se présente sous la forme d’une galerie large et basse, mais surtout, à notre plus grand désespoir : argileuse !

Ma foi, les rêves de grands eldorados blancs et immaculés font maintenant place à la dure réalité : ce n’est pas toujours comme on le désire !

La partie récréative étant maintenant terminée, nous devons songer à topographier ce que nous avons reconnus. Comme nous disposons de 2 matériels topographiques, Ludo et Denis, au dessin sur PDA et DistoX, s’occupent de la petite boucle inférieure ainsi qu’un petit raccourci évitant l’escalade de la coulée de calcite et menant directement au terminus actuel de notre reconnaissance. De mon côté, je vais m’occuper du prolongement de la galerie du Dragon avec la technique traditionnelle, soit DistoX, crayon et feuilles à dessin.

La topo en solitaire ne me pose pas de problème, et plus tard, alors que je suis affairé dans le virage à 180 degrés, l’équipe me rejoint ; leur secteur est levé et ils ont aussi fait quelques photos.

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Comme je n’ai pas terminé mon boulot, nous décidons que dans l’intervalle ils commencent déjà l’explo et la topo de la fameuse galerie argileuse, je les rejoindrai dès que possible.

Bientôt, j’arrive au terme de mes dessins, au départ de la nouvelle galerie. Je dépose mon matériel et m’apprête à rejoindre mes équipiers qui sont probablement déjà loin devant. Dans cette galerie, les traces laissées par Ludo et Denis me laissent déjà deviner le beau cadeau qui m’attend : une sorte de remake de « voyage au bout de l’enfer » version : voyage aux boues de l’enfer !!!

Dans le réseau des Fées, le secteur le moins intéressant à franchir c’est la galerie Glaisine : plusieurs centaines de mètres dans une galerie dont le sol et les parois sont essentiellement recouvertes d’argile. Pourtant, ce n’est pas si dramatique que cela, car la section moyenne fait 3 x 6 mètres et nous sommes debout tout du long.

Où je suis actuellement, la largeur varie entre 6 et 8 mètres, mais c’est la hauteur qui fait défaut ; au mieux elle atteint péniblement le mètre ! Il n’y a donc pas d’autres choix que de progresser dans la glaise à quatre pattes ou en ramping, en évitant au possible les bassins dont la profondeur dépasse la hauteur des bottes.

Après une cinquantaine de mètres dans ce bourbier, je m’arrête devant un bassin profond où il n’y a pas moyen de passer sans se mouiller jusqu’aux cuisses. Cherchant une solution pour éviter le bain, j’entends finalement Ludo qui arrive à ma rencontre. Il m’explique qu’ils ont sont partis un bout en reconnaissance et qu’ils ont débouché dans une belle et grande galerie !
Cette sympathique nouvelle aidant, je les rejoins alors et c’est à 3 que nous poursuivons la topographie de cette galerie basse qui serpente inlassablement en formant de grands tournants. Etrangement, c’est en spectateur que j’accompagne le duo en train de lever la topographie, et vu les conditions peu enviables je suis d’ailleurs très heureux d’être à ma place ! Néanmoins, après avoir relevé plus de 16 kilomètres de données dans ce réseau, cela me fait quand même un peu bizarre de rester les bras croisés en jouant les observateurs…

Après les 120 mètres de « Fangine », le nom donné à cette galerie, en quelque sorte la Grande… sœur de Glaisine, nous débouchons comme annoncé précédemment dans un grand couloir transversal.
Avec une section de 6 par 4 mètres, quel plaisir de ne plus avoir à barboter dans l’argile, d’autant que la grande galerie s’annonce rectiligne et sèche et se poursuit dans les mêmes conditions.
Ici, pourtant, Denis n’a plus vraiment le cœur à l’ouvrage. Je propose dès lors de nous arrêter sur une note positive, c’est ainsi toujours plus facile de trouver la motivation nécessaire pour revenir. Toutefois, Ludo désire encore faire quelques visées, histoire de voir ce qui se cache au-delà de la portée de nos éclairages. Alors, d’un commun accord :

En avant pour les petites prolongations !

Au départ de cet imposant couloir, de nombreux blocs jonchent le sol, mais la quantité diminue à mesure que nous avançons, pour finalement faire place à un revêtement assez lisse et quelque peu visqueux. Après une quarantaine de mètres nous décidons cette fois de nous arrêter pour aujourd’hui. Dans l’axe de notre galerie, un petit prolongement remontant semble se terminer au sommet de la pente, tandis que la galerie principale repart sur notre droite. Au loin, on devine que les dimensions s’amenuisent, tandis que l’eau et la glaise font à nouveau partie du décor… Mais il est difficile de bien juger à distance, alors restons positifs !


Revenus au point de départ de l’exploration du jour, nous constatons qu’il est déjà 20h00. Après avoir mangé un petit quelque chose, nous rassemblons nos affaires et entamons le chemin de la sortie. Rien de particulier dans les heures qui vont suivre, si ce n’est une étrange surprise dans la zone de puits des Follatons :

En effet, à la base du puits de la Peur, étant le premier équipé et prêt à remonter, je m’élance en tête, ce qui d’ailleurs n’est pas du tout dans mes habitudes ; le dernier à quitter le navire ! Plus haut, en sortant du puits de la Cathédrale, je me dirige vers la corde du P37, c’est alors que je vois la poupée de la corde suivante qui bouge dans tous les sens…
Dans cet instant précis, je tombe des nues :

- Comment est-ce possible puisque mes équipiers sont derrière moi ?

En levant la tête, je vois alors 2 lumières qui évoluent dans le puits… En attendant que la corde se libère, j’essaye de comprendre…

Il ne doit pas être loin de 23h30, ce n’est pas vraiment le genre d’heure pour rencontrer du monde ?... A moins que ce soit prémédité : des visiteurs venus en toute discrétion en utilisant le matériel en place sans demander l’autorisation ? C’est quand même un peu gros ! Bref, il faudra finalement attendre la base du puits de la Douche, où enfin je rejoins 3 spéléos en attente d’un quatrième en train de pomper au-dessus.

Il s’agit tout simplement de Joël, Barbara, Jean-Pierre et Marianne Scheuner, venus en famille pour effectuer une escalade en artif dans les hauts de la Salle Pentue. Joël m’en avait parlé il y a quelques temps, le hasard a fait que ma foi nous nous sommes retrouvés au même endroit, le même jour à la même heure !

Avec 7 personnes, il y avait donc un peu d’attente dans les dernières longueurs, mais c’était aussi l’occasion agréable de papoter avec ceux qui ne s’étaient pas revus depuis bien longtemps.

Pour l’équipe gremaullais-genevoise (SCC/SSG)… il est exactement minuit lorsque nous quittons la cavité. Avec 373 mètres de topo, les 16 dernières heures ont bien été mises à profit, le développement du réseau passe maintenant à 17'351 mètres.

Les photos de ce billet concernent la galerie du Dragon, merci à Ludo pour sa contribution.