Pourtant, pendant cet intervalle il y a eu de nombreuses sorties programmées, mais à chaque fois nous avons jugé bon de renoncer le jour d’avant, au moment où le verdict de Dame météo tombait ! A ce sujet, nous avons toujours 3 possibilités :
  • La première, c’est quand le temps est sec depuis plusieurs jours et que la météo ne va pas changer pour les temps à venir ; tout est parfait… on fonce !
  • La seconde, c’est quand la météo annonce de la pluie ou des orages ; là aussi, c’est tout aussi simple à décider, l’expérience a démontré qu’il faut aussitôt renoncer au royaume des Fées.
  • La troisième, malheureusement la plus courante et délicate, c’est lorsque le temps s’avère bon pour le lendemain, mais que les conditions météo des jours précédents ne sont guère favorables. Dans ce cas, il ne s’agit pas dangers potentiels pour les spéléologues, mais simplement que des lacs ou des siphons risquent de se former à divers endroits, interdisant le franchissement ou l’accès aux zones d’exploration.
    Alors inévitablement, en fonction de ce qu’il a plu il faut faire une sorte d’évaluation, pour faire un choix bien difficile qui peut tout aussi bien se jouer à la roulette :
- Ca passera ou ça ne passera pas ?

Nous ne comptons plus les sorties où nous avons fait demi-tour et ressortir sans ne rien pouvoir faire, c’est pourquoi, lorsqu’il faut se prononcer sur la fameuse question, nous préférons alors renoncer plutôt que risquer de perdre notre temps. Et puis, nous gardons aussi à l’esprit que dans le monde des cavernes, ce qui nous attend le lendemain le sera d’autant dans une semaine, un mois ou un an !

Vendredi 8 juin à la mi-journée, à la veille de l’explo : Pour la énième fois, nous devons prendre une décision de troisième ordre. Ah bah voilà... jouons une fois de plus à la roulette des Fées !
Dans les faits concrets, il a plu le premier jour de la semaine, puis le temps sec s’est maintenu jusqu’au jeudi soir où la pluie a refait son apparition. Elle vient de cesser maintenant et la météo prévoit un temps sec jusqu’à dimanche après-midi.

- Bon bah alors qu’est-ce qu’on fait ?

Si on se réfère à nos précédentes décisions, il faudrait renoncer ; probablement que l’eau va nous embêter quelque part. Toutefois, après 7 mois de diète d’exploration, ça commence à faire long, d’autant de beaucoup doivent penser que nous faisons la fine bouche avec cette fichue météo… pas vrai ?

Alors finalement, après avoir pesé le pour et le contre, c’est avec une grande dose d’optimisme que nous décidons de nous lancer dans l'aventure. Et au pire, si nous devons rebrousser chemin quelque part, ce sera au moins l’occasion de faire un peu d’exercice !…

C’est donc avec Ludovic, alias Ludo, que nous nous retrouvons en ce samedi matin. L’objectif du jour n’est bien sûr pas la branche nord-est du réseau, à savoir le secteur Viviane-Arthur-Excalibur, puisque c’est le plus sensible. Non, nous avons opté pour la branche ouest, choix qui s’avère d’autant plus jouable car nous avons posé une sorte de pont de singe à l’aide de gros câbles d’acier, afin de franchir un lac temporaire dans la galerie Glaisine, endroit qui d’ailleurs nous déjà stoppé à trois reprises. Néanmoins, depuis la pose de ces câbles nous n’avons jamais revu de lac, donc on verra bien…

Les puits des Follatons se franchissent sans problème, avec les dernières précipitations je suis même franchement surpris que la trémie du puits de la Cathédrale ne soit pas plus arrosée que cela. Il en est de même pour le passage bas du Mouille-cravate et la galerie du Graal, où dans cette dernière je m’attendais à trouver de nombreux petits bassins parsemant la progression. Mais là encore, ce n’est guère différent qu’à la normale. Tout ceci nous rassure évidemment, finalement nous avons fait un excellent choix de venir user nos bottes aujourd’hui !...

Depuis la salle du Col, Ludo découvre des galeries qu’il ne connaît pas, et comme chacun qui parcourt les lieux pour la première fois, il est surpris par les volumes de cet imposant collecteur.

Bientôt, à plus de 2 km de l’entrée des Follatons, nous approchons du premier centre d’intérêt, soit le fameux pont de singe de la galerie Glaisine. Depuis sa mise en place il y a tout juste une année et demie, je me réjouis de retrouver l’endroit avec de l’eau, histoire de tester pour de vrai le franchissement de notre installation, longue tout de même d’une vingtaine de mètres.

Juste avant, je m’arrête un instant car un bruit sourd et inhabituel m’interpelle. Avec mes problèmes d’audition, ceux qui me connaissent peuvent sans peine imaginer que si je peux déceler un bruit bizarre en pleine progression, c’est que effectivement… :

- CA DOIT ETRE UN SACRE BRUIT BIZARRE !!!

Ludo est là pour me confirmer ce raffut : une rivière !

Comme il n’y a pas d’actif dans le secteur, ça n’arrange pas du tout nos affaires, nous nous empressons alors de franchir le dernier virage qui précède une petite remontée équipée d’une corde à nœud, où nous pouvons constater que le son provient d’une rivière cascadant le long du ressaut. Au-dessus, l’eau déborde d’un bassin, celui même où nous avons placé le pont de singe.

Parvenus au bord du lac, on voit que le câble inférieur du pont de singe est sous l’eau, tandis que le câble supérieur est heureusement un mètre au-dessus. Soucieux d’en savoir un peu plus sur l’origine de cette mystérieuse rivière venue brusquement entraver nos plans, nous franchissons le pont de singe ; curieuse, cette sensation de traverser un lac de 20 mètres et profond de 5 à 6, en marchant à moitié immergé sur un câble…

Au bout, sur une sorte d’îlot, nous ne pouvons que constater que l’aventure du jour va s’arrêter ici. En effet, devant nous s’étend à perte de vue une longue et profonde rue d’eau. Cette fois c’est clair :

« Rien ne va plus… les jeux sont faits ! »

Nous faisons demi-tour pour nous arrêter dans une zone plus accueillante et sèche, pour la pause repas de midi. C’est aussi l’occasion de faire le point sur la situation, qui se résume à pas grand-chose à faire vu ces conditions ; les galeries à explorer se situent toutes en amont du pont de singe. Néanmoins, sur le chemin de retour il y a bien un secteur en cours d’exploration entre les galeries Secrète et Clochette, mais comme le duo Seb & Millepattes travaille déjà dessus, ce ne serait pas correct de poursuivre leurs travaux sans eux.

Alors c’est bien dommage de devoir ressortir bredouille, d’autant que lors de cette sortie Ludo devait me montrer sa technique de dessin sur PDA (Personal Digital Assistant), une sorte de mini-ordinateur avec écran tactile, qui reçoit et interprète directement les données de l’appareil de mesure, le fameux DistoX.

Finalement, nous décidons de retourner au départ de la galerie du Graal. Là, nous savons que le tandem Joël & Christian a exploré l’amont du méandre Pinpin jusqu’au point jonction avec un autre méandre venant du Terminal, soit environ 200 mètres de méandre. Mais comme à ce jour nous n’avons pas reçu l’intégralité des données topographique du conduit, et que cela fait tout de même 3 ans qu’ils ont effectué l’exploration, l’idée est d’aller voir ce qu’il en est, et ma foi terminer le boulot à leur place.

Arrivés à destination, nous nous engageons dans le méandre convoité. Etant donné que je me rappelle que le tandem avait relevé une centaine de mètres de méandre, c’est donc à partir de cette distance que nous commençons à scruter les parois à la recherche d’un point topo à la peinture rouge, qui signifierait, comme procédons habituellement, la fin de la topographie en cours.
Pourtant, à mesure que nous avançons, des points rouges se présentent régulièrement, nous comprenons dès lors qu’ils ont marqué chaque station topo à la peinture. En poursuivant sans autre dans ce méandre facile et propre, nous arrivons finalement au lieu de jonction, que je reconnais d’ailleurs parfaitement puisque c’est moi-même qui me suis arrêté ici, mais en arrivant de l’opposé ; j’étais parti d’un méandre filant depuis de la salle du Terminal.

- Bon bah voilà… ce n’est pas non plus ici que nous allons pouvoir faire quelque chose d’utile, la topographie semble avoir été levée ; reste juste à savoir pourquoi les données ne sont pas en notre possession ?

Nous nous rabattons ensuite sur la galerie des Epées. En effet, à défaut d’une galerie utile à topographier, autant s’exercer avec le fameux PDA dans quelque chose de plus spacieux et agréable.
Un peu plus tard, après avoir passé plus d’une heure à faire des mesures et dessins, je suis assez convaincu par cette nouvelle méthode, qui demande tout de même une certaine rigueur ainsi qu’un bon entraînement si l’on veut un résultat de qualité. Actuellement, de par la petite taille de l’écran du PDA, la technique est un peu moins précise par rapport aux détails que l’on peut relever sur une grande feuille à dessin.
En contrepartie, on gagne presque le double du temps habituel, par le simple fait qu’il n’y a pas besoin de reporter les données des appareils de mesure, elles sont automatiquement transférées et transposées sur l’écran tactile du PDA, et il ne reste plus qu’à dessiner le contour des galeries. Yeahhh… vive le progrès !

Avec la généralisation des tablettes tactiles grand format, je pense qu’il faut encore attendre un peu avant de s’équiper, car avec une si grande surface de travail ça risque d’être la seconde grande révolution chez les spéléologues topographes, après celle provoquée il y a quelques années par les appareils de mesure électronique.

Dans la galerie des Epées, c’est par hasard que Ludo découvre au fond d’une marmite nos deux brosses de nettoyage, que nous utilisons en début d’expé pour raviver un peu nos combis après avoir parcouru la galerie argileuse du Graal. Quand on sait que ces brosses sont entreposées 50 mètres en amont et à plus de 6 mètres du sol, on peut aisément deviner que les crues de ce printemps ont dû être assez importantes…
C’est la raison pour laquelle nous avons poussé la progression un peu plus loin jusqu’au lieu d’entreposage d’une partie de notre matériel d’exploration, et notamment les bouées de camion qui nous servent d’embarcation pour parcourir la branche active du réseau.

Là, rien ne manque à l’inventaire, mais comme la galerie est très large à cet endroit, l’eau n’est probablement pas montée si haut. En revanche, comme le matériel a été rangé d’une autre manière que d’habitude, nous en déduisons que des indélicats se sont servis sans permission. Et pour couronner le tout, ils ont mis HS une des embarcations (une entaille de 3 cm, c’est dire s’ils ont coulé à pic !).
C’est quand même malheureux, ont-ils peut-être pensé que les fées allaient effectuer la réparation d’un seul coup de baguette magique ? Nous allons devoir ressortir le pneumatique pour réparation, puis le ramener avec une pompe spéciale pour ce genre de gros diamètre. Bref, beaucoup de temps perdu pour des crétins sans vergogne !

Pour l’heure, nous empruntons le chemin de la sortie, la remontée des puits ne sera que formalité. Avec un TPST de 9 heures, malheureusement, pas un seul petit mètre d’exploration à mettre à profit. Toutefois, cette ballade aura été bénéfique sous de nombreux points, et notamment le plus important : c’est que cette fois nous avons compris que lorsque le doute plane quant à une éventuelle incursion aux Fées après une période de pluie, maintenant c’est sûr :

- Même pas en rêve !