Pour nous changer quelque peu les idées, nous décidons de nous rendre au point le plus occidental du réseau, à savoir le terme du labyrinthe des Eclaireurs, à exactement 5 kilomètres de l’entrée de la Grande grotte aux Fées. Pour mémoire, c’est en entrant par cette dernière que nous avons exploré toute la branche ouest du réseau, il fallait donc nous taper 10 kilomètres de déplacement souterrain aller-retour pour assouvir notre passion.

C’était cher payé, et nous devons bien avouer que de nos jours nous n’aurions plus la motivation suffisante. Cela explique en partie que notre dernière présence dans ce secteur date du mois d’octobre 2007, soit 4 années pleines ! Ce temps peut paraître bien long après nous être arrêtés face à une belle galerie vierge de 4 x 6 mètres occupée par un petit lac, mais il faut préciser que depuis 2008, année de la jonction de la Baume des Follatons, la priorité a été donnée dans les zones proches de ce nouvel accès.

Toutefois, entre temps il y a quand même eu 3 tentatives afin de prolonger ce secteur à l’ouest, mais elles ont toutes échouées par la présence d’un lac temporaire à 500 mètres de l’objectif. Ce problème est maintenant réglé depuis la fin 2010, où une sortie a été consacrée pour la pose d’un double câble d’acier permettant, le cas échéant, de franchir le passage au sec. Cette installation n’a d’ailleurs pas été utile aujourd’hui puisque la sécheresse persiste, mais n’anticipons pas, reprenons les choses dès le début.

Il est 08h20 lorsque nous pénétrons dans nos abysses Féériques. Nous venons de quitter Bertrand et Seb sur le parking, et comme les 2 équipes ne vont pas dans les mêmes endroits, il y a peu de chance de nous revoir de la journée, voire de la nuit !

Le carrefour du Terminal est atteint en une petite heure, il faut dire qu’à force de passer par les mêmes endroits, on connaît presque chaque rocher, donc ce n’est pas plus compliqué que de traverser son jardin ! Là, nous cherchons en direction de la salle du Col un emplacement élevé pour l’installation éventuelle d’un bivouac. Les distances dans tous les secteurs en cours d’exploration ont bientôt atteint leurs limites du raisonnable, il est donc judicieux d’envisager de dormir quelques heures avant de ressortir. En fait, l’idée n’est pas de créer un nouveau campement, elle serait plutôt de déplacer celui actuel de la salle du Dôme, que l’on utilise plus depuis bientôt 2 ans, car il nécessite un détour de 1,2 kilomètre aller-retour sur le trajet de la sortie.

Dans la galerie des Errants, nous trouvons un emplacement qui pourrait correspondre, il faudra toutefois de consacrer une journée de travail afin d’aplanir l’endroit, en supprimant notamment 2 blocs importants. Ensuite, 1 ou 2 sorties seront nécessaires pour déplacer les affaires, bref, ce n’est pas dans l’immédiat que nous pourrons disposer d’un nouveau camp !

Nous reprenons dès lors notre route. Malgré les conditions d’étiage qui persistent, les bassins de la galerie des Lacs sont à leur niveau normal, pas d’incidence. Plus loin, la galerie Glaisine nous paraît interminable. Son trajet de 700 mètres en est probablement pas étranger, mais c’est surtout la présence quasi permanente d’argile, rendant la progression et les lieux plutôt rébarbatifs, et ce malgré des dimensions de 3 à 4 mètres de diamètre en moyenne.

Il est 11h20 lorsque nous arrivons à destination, au départ du labyrinthe des Eclaireurs. Nous avons mis 3 heures pour arriver ici, soit une distance de 2,6 kilomètres. Il semble dès lors que ce secteur est plus accessible que celui d’Excalibur, qui demande actuellement 4 heures 30 de déplacement pour un trajet de 2 kilomètres.

Nous commençons nos relevés dans un petit méandre latéral. Vu les dimensions réduites de… 0,8 x 3 mètres (!), celui-ci aurait probablement été mis de côté en temps normal, s’il ne s’agissait pas en réalité d’un raccourci permettant de shunter le labyrinthe des Eclaireurs, formé de petites galeries étroites et humides, qui se recoupent un peu partout. Et ceci d’autant que le méandre fait seulement une vingtaine de mètres, puis recoupe une galerie supérieure spacieuse.

A l’amont, nous pouvons progresser d’une quarantaine de mètres alors que le conduit se termine sur une obstruction, tandis qu’à l’aval nous arrivons 20 mètres plus loin sur un petit promontoire dominant un ressaut de 4 mètres, dont la base n’est autre que l’issue de sortie du labyrinthe des Eclaireurs. Ce point est également l’endroit le plus avancé de l’exploration, face à un lac d’une dizaine de mètres. N’ayant pas pris nos combinaisons étanches, nous avons quand même pris soin de déplacer un bateau pneumatique, resté en stand by depuis quelques années du côté du Terminal.

Ici, en observant de plus près la rive gauche du bassin, il semble qu’il est possible de le franchir sur le côté. Malgré la présence de sédiments argileux au niveau de l’eau, et plus encore une paroi qui se déverse en surplomb, il y a néanmoins de belles prises pour les mains, donc à vue de nez ça doit le faire ! Ma foi autant tenter le coup, au mieux on évite le travail du gonflage et les péripéties d’embarquement et débarquement, et au pire… …

Ni un ni deux, je m’élance. Au prix de quelques acrobaties et d’une prise… temporaire (!), qui a failli me coûter le bain forcé, je me retrouve tant bien que mal de l’autre côté du lac. Là, je distingue la base d’un énorme amoncellement de blocs. Comme Claudal est très sceptique à l’idée de jouer les équilibristes, il faut d’abord que je m’assure que cela continue bel et bien, et aussi qu’il n’y a pas d’autres lacs à traverser, ce qui nous obligerait de toute façon à gonfler le bateau.

Après m’être enfilé dans l’éboulement, c’est sans danger que je me hisse verticalement au travers. Rapidement, j’émmerge de cette montagne de gros blocs.

WAOUHHHHHHH !... … YEAHHHHHHHHH !... …

Devant moi, vue plongeante et magnifique sur une superbe allée rectiligne d’environ 8 x 7 mètres, et qui plus est, qui s’étend à perte de vue, parfaitement propre et sèche. Jubilant comme un enfant qui vient de recevoir un gros cadeau… je m’empresse de redescendre de mon piédestal de blocs pour rejoindre mon coéquipier. Après quelques explications exubérantes, comme d’habitude Claudal ne manifeste pas son emballement, mais sur le moment je me dis aussi que le franchissement du lac y est pour grand chose !...

Je lui explique alors la manière de franchir le pas, qui se résume en gros à :

- Balance tout dans les bras et colle ton corps au rocher histoire de corriger le centre de gravité !

A voir sa mine, il n’est pas convaincu, mais alors pas du tout ! D’ailleurs, la première tentative est rapidement avortée en prétextant quelques balivernes, mais la seconde, après quelques encouragements, sera la bonne. A noter que nous poserons une main courante lors de la prochaine sortie, c’est quand même préférable !

Après cet intermède émotio-énergétique, nous reprenons le cours de l’exploration et de la topographie. La grosse trémie franchie, nous nous retrouvons presque au même niveau qu’avant, mais dans un énorme corridor tout beau tout neuf !
Ici, nous décidons d’appeler l’endroit la galerie du Dragon, à cause d’une grande lame de rocher en encorbellement au-dessus de nous. C’est amusant comme la nature façonne si bien les choses, avec un soupçon d’imagination on distingue très bien le profil d’une tête de dragon avec la gueule ouverte (le feu en moins !) et le dessus du crâne est aussi paré d’une dentelure à l’image de cet animal légendaire, bref, un trésor de plus à mettre en mémoire, dans cette sympathique collection de l’art brut !

Bientôt, en rive gauche une galerie basse débouche, dont la présence de sédiments argileux indique qu’elle s’ennoie de temps à autre, mais nous n’en saurons pas plus pour l’instant car nous la laissons de côté. Devant, nous suivons toujours notre imposante galerie, dont on saisit bien que les blocs qui garnissent le sol proviennent du plafond, qui s’est effondré en dernier lieu dans le processus de création.

Après une belle rectiligne de plus de cinquante mètres, un coude coupe brusquement le rythme, suivi d’un second où un carrefour se présente. A droite, un rapide coup d’œil annonce le départ d’une galerie-perte qui doit probablement être en relation avec la galerie inférieure qui débouchait précédemment, tandis qu’à gauche, on distingue que la galerie principale va remonter passablement et devient par la même extrêmement concrétionnée.

Et ce n’est pas comme le concrétionnement usuel du réseau, c’est-à-dire avec des restes et traces de sédiments argileux, résultant d’un ancien et énorme ennoiement général de la plupart des galeries. Non, rien de comparable, il s’agit là d’un vrai palais de fées, avec un concrétionnement magnifique et immaculé, à l’instar des belles grottes touristiques.

Ah bah en tout cas, on peut dire nous sommes vraiment enchantés et aussi privilégiés de la consistance de l’exploration du jour : C’est grand, c’est beau, c’est propre, bref, contrairement aux « boues de l’enfer », le précédent épisode d’exploration argileuse aux confins de la galerie Excalibur, cette fois les Fées nous gratifient de leur plus beaux atours…

La tentation est grande de poursuivre notre élan, cependant, il est déjà 19h30, alors gardons un peu d’émerveillement pour la prochaine fois, sait-on jamais ce que la suite peut nous réserver…

Le déplacement retour s’effectuera sans problème, hormis quelques grosses gouttes de sueur pour l’homme de tête qui a jugé utile de s’équiper d’une combi PVC, mal lui en a pris pour cette fois !... Il faut dire que le rythme de croisière était plus rapide qu’à l’aller, 30 minutes de mieux entre le fond et la galerie du Graal ! A cela, 2 petites heures seront encore nécessaires pour gagner la porte de sortie.
Dans les puits, Claudal saura me surprendre ! En effet, autant il y a un mois il lambinait et maugréait comme jamais pour se hisser dans les verticales, autant cette fois c’était « Jetman » ! Quelques substances illicites dans ses breuvages y seraient pour quelque chose ?... Nul ne le saura jamais !

Quoi qu’il en soit, après 15 heures au pays des ténèbres, nous sortons sous des températures très clémentes quand l’on sait que l’on touche presque au mois de novembre. Avec 231 mètres de nouvelles galeries, le développement passe maintenant à 16’824 mètres, mais c'est sans compter les 60 mètres du tandem Millepattes & Seb, donc en principe 16'884 mètres, en attendant la confirmation de Jack.