Pour le groupe d’exploration, en dehors des problèmes en ce début d’année avec nos appareils de mesures, nos chers DistoX, qui ont passablement usé notre emploi du temps et notre moral, il faut bien reconnaître que le fameux « trio mystique » s’est rarement concrétisé. Pourtant, ce n’est pas la faute aux conditions météo, vraiment exceptionnelles en ce début d’année, d’autant que la période de la fonte des neiges est passée quasiment inaperçue.

Ma foi, peut-être que la flamme des grands jours a perdu de son éclat, peut-être que nos amies les Fées deviennent trop exigeantes avec leurs secrets, mais peut-être aussi que certains se font trop vieux et qu’il est temps de passer à des activités plus reposantes ? Quoi qu’il en soit, il peut s’agir tout simplement d’un passage à vide, alors gageons que les choses se remettent rapidement en place.

Excalibur, c’est bien sûr le nom mythique de l’épée ayant appartenu au roi Arthur, mais pour les explorateurs des Fées, c’est aussi le nom d’un imposant collecteur temporaire fuyant noblement au nord-est du réseau. Découvert au début de l’année 2009, nous avons dès lors exploré ce drain sur une distance de 400 mètres, pour nous arrêter sur… rien ! Un rien qui fait pourtant 4 x 7 mètres, et qui plus est, tout beau tout propre ; il fallait bien que les explorateurs s’arrêtent quelque part !

Aujourd’hui, les conditions météo sont parfaites pour plusieurs jours d’affilée, c’est donc l’opportunité de nous replonger dans les abysses mythologico-arthuriens ! Outre la paire habituelle, Claudal et votre serviteur, nous pouvons cette fois compter sur Ludovic, alias Ludo. Depuis quelques temps, des contacts ont été entretenus entre le GEF et la section de Genève, qui va dès lors apporter son soutien au réseau.

Et celui-ci n’est pas des moindres, Ludovic est hydrogéologue et possède en outre de nombreuses années d’expérience dans divers domaines propre à la spéléologie. Pour lui, le but de la journée est déjà de faire connaissance avec la baume des Follatons, mais également d’attaquer la remontée d’une paroi dans la salle Guenièvre, afin d’atteindre une belle galerie qui s’en échappe ; il doit s’agir de l’amont théorique de la galerie Vivianne-Dame-des-Lacs.

Il est 08h00 quand le trio pénètre sous terre, quittant avec regret un soleil radieux et déjà chaud. Dans les puits et la galerie du Graal, rien de spécial à signaler pour ce cocktail de verticales, de boyaux et de boue. Plus loin, au dépôt de matériel de la galerie des Epées, je constate que la plaque topographique déposée habituellement ici, ne s’y trouve pas !

- Ah bah ça commence bien !…
- C’est vite vu, la plus proche en distance est celle déposée au Terminal

Après quelques débats pour savoir qui se décide pour aller chercher le sésame, c’est finalement Ludo et Pierre qui vont s’y coller, l’occasion d’ailleurs pour Ludo de découvrir quelques nouveaux endroits caractéristiques, notamment la jonction Merlin-Pinpin pour son passage clé, ainsi que le Terminal, point stratégique avec non moins de 5 galeries qui aboutissent vers ce lieu.

Après ce contretemps, nous reprenons notre route avec le franchissement de la zone des lacs de la galerie Vivianne. Le premier embarquement sur nos bateaux de fortune, des chambres à air de camion, posera quelques difficultés de stabilité pour notre ami Ludo, mais finalement la bête sera rapidement domptée…

Nous arrivons en vue de la salle Baudegamu, à l’endroit où il faut remonter une échelle souple d’environ 8 mètres pour y accéder. Là, nous constatons que la corde équipant également le passage, est positionnée au fond d’une fissure de manière bien compliquée. Il n’y a pas d’équivoque, seule une importante circulation d’eau a pu déplacer la corde sur toute sa hauteur, ce qui indique qu’une crue a inondé le secteur malgré des dimensions plus qu’imposantes.

Il y a de quoi être pantois, il faut néanmoins voir le côté positif de ce genre de message. C’est Dame nature et ses gardiennes les Fées qui nous rappellent de temps à autre qu’il ne faut en aucun cas s’aventurer dans leur univers, s’il y a le moindre risque météo.

Dans la salle Guenièvre, où il est prévu de nous séparer, Ludo se rend compte que l’escalade de la paroi est plus engagée qu’il ne le pensait. Alors changement de programme, il ne lui reste plus qu’à reporter l’exercice et revenir avec coéquipier qui l’assistera dans ses œuvres. Après qu’il se soit délesté du matériel propre à cette remontée, le trio reprend son chemin au travers du labyrinthe de Brocéliande, pour attaquer la galerie Arthur, longue d’environ 400 mètres.

Après une nouvelle zone de bassins profonds, nous nous arrêtons un instant pour abaisser nos combinaisons étanches au niveau de la taille, de manière à limiter la transpiration dans la progression bien réchauffante d’un peu moins d’un kilomètre qui nous sépare de notre objectif. Il y a pourtant bien quelques bassins que nous allons côtoyer, mais rien de bien méchant !

- Etait-ce la bonne résolution ?

D’habitude elle est optimale, sauf que cette fois, en opposition à 2 mètres au-dessus de l’eau, c’est en passant d’une paroi à l’autre que ma botte à quelque peu… ripé !... Il s’en suit un plongeon de 2 mètres avec une combinaison étanche à moitié retroussée, donc un bain très rafraîchissant ! Dès lors, plus guère le choix que de m’habituer aux habits mouillés jusqu’à la sortie !

Un peu plus tard nous arrivons à destination. Plus de 5 heures se sont déjà écoulées, le temps passe si vite. Après le repas, nous passons enfin aux choses sérieuses. Ce n’est pas la conquête de l’Ouest comme dans les grands westerns, mais plutôt du nord-est ! Et comme nous avons un invité de marque, le 3ème homme à fouler le secteur (!), l’honneur lui revient de passer devant.

D’un pas lent, auscultant chaque petit détail, Ludo à l’air de bien apprécier ces instants magiques et inestimables. De nombreux fossiles ornent l'endroit, dont la variété est assez inouïe.

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Après 2 grands coudes très prononcés, notre galerie de 4 x 7 mètres se réduit légèrement dans la largeur, mais la hauteur passe à 10 mètres. Devant nous, une sorte de grande excavation se présente, avec un petit ressaut vertical de 2-3 mètres qui se franchit sans trop de peine.

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Nous accédons ainsi dans une sorte d’étage inférieure encombré de quelques blocs. Au-dessus et en face, nous distinguons que la galerie Excalibur se poursuit dans le même axe, mais à défaut d’une paire d’ailes… faudra trouver une autre solution !

Encore quelques mètres, puis nous arrivons dans un point bas, devant un carrefour de faible dimension.

- Est-ce la fin des grandes galeries sympathiques ?

Pour l’instant c’est certain, mais il faut bien reconnaître que quand l’on progresse dans des grands volumes depuis près d’un kilomètre et que la suite se présente sous la forme de 2 conduits de 2 x 2 mètres, et qui plus est, à demi inondés, disons que ça jette un… froid ! D’autant que c’est le genre d’endroit où un siphon peut rapidement se présenter, signant l’arrêt brutal de nos investigations.

Après une petite reconnaissance, nous comprenons que nous avons à faire à une sorte de labyrinthe à moitié immergé, où il nous est difficile de savoir quelle est la galerie qu’il faut suivre pour nous sortir de là. Il y a aussi plusieurs petites arrivées d’eau, mais là encore, impossible de dire dans quel sens se dirige le courant. A certains endroits, c’est même trop profond pour avancer avec nos appareils de mesure, et ce n’est pas possible de nager en effectuant la topographie. Il faut donc un peu improviser et nous débrouiller avec les moyens du bord. Heureusement, toutes ces petites galeries communiquent, ce qui nous permet de court-circuiter certains bassins profonds, en faisant des visées de par et d’autre.

A un moment donné, une petite ouverture vient trouer le plafond de notre galerie, ce qui permet à Ludo qui n’a pas vraiment de quoi s’occuper depuis un moment, d’accéder dans un étage supérieur, qui n’est autre que le conduit que l’on distinguait auparavant dans les hauteurs. Cette nouvelle nous réjouis, mais il faudra attendre la prochaine sortie pour en savoir un peu plus ; pour l’heure nous sommes assez occupés avec notre réseau aquatique, qui va prendre le nom de « Labyrinthe de Camelot ».

Après une centaine de mètres de topographie dans cet enchevêtrement aquatique, nous sommes tous les 3 rassemblés sur une sorte de margelle entre 2 bassins profonds. L’endroit est sympathique, quelques stalactites agrémentent les lieux. A quelques mètres de nous, l’eau boueuse provoquée par nos allers et venues, se dirige en direction d’une voûte rejoignant quasiment la surface de l’eau. Cette fois, il semble bien que c’est la fin, le siphon tant redouté.

De toute façon il est déjà tard, et en plus cela fait un bon moment que nous avions prévu d’arrêter nos travaux, là au moins avec un siphon nous n’irons plus loin ! Pendant que j’effectue la dernière visée pour fermer une boucle, évitant un bassin long et profond, Ludo s’enfile à quelques mètres de moi, dans une petite galerie latérale à priori sans intérêt, au niveau d’une importante arrivée d’eau venant du plafond.

Yeah… Bingo !

Et oui, on peut dire que c’était le coup d’éclat dans la dernière minute de jeu (bon, il est vrai qu’on jouait les prolongations !...), parce que sa curiosité l’a récompensé ; la galerie en question retombe droit derrière le siphon qui, nous l’avons maintenant compris, est en fait une simple voûte rasante. Au-delà, la suite repart de plus belle, mais toujours aussi aquatique, de quoi attiser le suspense en attendant la prochaine sortie !

De retour à nos affaires, nous effectuons une nouvelle pause repas, puis entamons le chemin du retour. Rien de spécial dans les quelques heures qui vont suivre, sauf que pour certains la fatigue se fait de plus en plus sentir à force d’approcher de la sortie.

Sous un ciel clair et étoilé, il est 01h00 lorsque la porte des Follatons se referme, nous sommes heureux d’avoir mené à bien notre tâche, au cours de ce périple de 17 heures.

Avec 181 mètres de topographie, le développement du réseau passe à 15'982 mètres, on peut donc considérer que la barre de 16 kilomètres est pour ainsi dire atteinte.