C'est donc vers 08h30 que Sébastien, Vivien et Pierre débarquent chez le Millepattes pour s'équiper au chaud, ce qui n'est pas un luxe ces jours-ci !

Le quatuor paré se répartit dans les deux 4x4 de service, afin de tenter, malgré l'abondance de la neige, de rallier le parc des Follatons, histoire de se ménager un peu physiquement, vu l'effort à fournir avec la quantité de matériel à transporter aujourd'hui.

L'euphorie sera de courte durée... En effet, dès le second virage la "Patmobile" du myriapode se met en travers, ne pouvant plus avancer dans près de 40 cm de neige accumulée ces derniers jours.

Après moult manoeuvres, nous parvenons à remonter sur les rails de neige tassée et à reprendre la montée. Nous voyons sur le bas-côté de nombreuses traces de lutte au ras du talus, de quelqu'un qui a du se faire peur ! Mais nous n'irons guère plus loin ; en effet, peu avant l'embranchement du chemin du Chalet-des-Plans, plus moyen de poursuivre, le Millepattes recule pour se caser sur une petite place latérale afin de laisser Seb passer devant avec son véhicule plus haut sur pattes, mais il n'ira pas plus loin pour autant, faute de motricité dans ce mélange de neige d'abord mouillée puis poudreuse en dessus.


Nous décidons alors de laisser nos véhicules sur ce petit parc, et comme Albert du SCVJ passe justement par là à skis de fond, il nous propose un coup de main pour monter du matos jusqu'au Follatons.

Nous lui refilons un kit et il attaque la montée par le chemin classique, alors que nous poursuivons avec nos raquettes sur la route du Crêt-Cantin, avant de bifurquer juste sous la baume pour remonter le talus par la forêt.

Albert nous rejoint peu après à l'entrée du trou avec le kit, et une photo est prise avant de se séparer.


D’ailleurs, merci Albert pour ces superbes images, gageons que l'équipe n'affichera pas le même sourire ce soir en sortant !

Une fois l'entrée de la buse déneigée, Pierre s'engage par le portillon, accompagné d'un puissant courant d'air glacé ! Nous nous passons les kits et le dernier engagé referme vite la porte de l'enfer !

Pierre attaque les puits sans autre forme de procès, pendant que Millepattes rempli le "carnet de bord". Cette formalité remplie, il s'engage dans le premier puits suivi de Vivien, Sebo quant à lui, fera la "voiture-balai» !

Comme c'est une "première" pour Vivien, Millepattes attendra à chaque fractio pour les détails techniques, afin de ne pas décourager notre nouvel équipier qui a déjà assez de difficulté avec son descendeur à frein qui semble vraiment vouloir freiner plus que nécessaire... faut dire que les cordes des premiers puits sont complètement asséchées par le courant d'air froid et cela n'arrange pas les choses !

Quand le Millepattes prend pied au fond du puits de la Cathédrale, Pierre est assis là, se demandant ce que l'on fabrique depuis une demi-heure !

L'équipe au complet, la suite s'engage, le méandre Blanche-glaise est toujours aussi dégueux et le dernier puits se passe sans difficulté. Au bas de celui-ci, nous nous déséquipons du matériel vertical et poursuivons en direction de la galerie du Graal, après avoir dévalé la Boîte aux lettres.

Cette galerie a pas mal ressuyé, hormis le petit lac en plein virage qui, celui-ci, semble s'être installé définitivement ! On pourrait nommer ce dernier le "Mouille-bottes" (!)

Une fois rejoint le méandre Pinpin, c'est là que nous ferons un brin de toilette, afin de récupérer un peu de temps vu les heures qui filent !

Nous remontons alors le méandre jusqu'à la jonction avec la galerie Merlin et poursuivons jusqu'au Terminal. Là, nous enchaînons l'amont des Errants et prenons la première pause thé, ainsi qu'un marteau d'une trousse d'équipement qui nous sera utile à terme.

La progression reprend pour remonter la salle du Col, avant de redescendre enfiler la "looooooongue" galerie des Lacs, assez monotone dans sa première partie ! La Grande Fosse franchie, la route continue, jalonnée de lacs limpides, mais seulement pour l'homme de tête ! Les autres, ma foi, faites confiance à l'éclaireur et marchez dans la touille !

Le plus fatiguant dans ce long collecteur, ce sont les sections où il faut marcher en se courbant afin de ne pas heurter le plafond, voire faire de la casse aux nombreuse stalactites qui ornent le "ciel" de cette galerie.

Une fois atteint la salle Mégabloc, un endroit un peu inquiétant où deux énormes blocs superposés occupent quasiment tout le volume de la galerie, celle-ci bifurque à gauche devant l'embranchement caché de la galerie Secrète.

Nous poursuivons encore une centaine de mètres et parvenons à l'embranchement de la galerie Clochette. C'est là que le collecteur principal change de nom pour devenir la magnifique galerie des Lucioles, où, à un endroit le plafond plat à 10 mètres de hauteur, est sculpté de nombreux losanges très réguliers qui donnent un effet de toute beauté à ce décor surnaturel.

Un peu plus loin, une magnifique colonne stalagmitique de 7 mètres de hauteur trône au milieu du collecteur et donne une idée de l'âge que doivent avoir ces magnifiques merveilles !

Cette galerie des Lucioles possède aussi une sorte de col, au niveau de la salle Eurêka, suite à un effondrement du plafond qui se poursuit par des cheminées, et nous oblige à grimper d'une dizaine de mètres pour les redescendre aussitôt de l'autre côté.

A la fin des Lucioles, nous poursuivons par la galerie Glaisine, et là la configuration se complique un peu. En effet, dès cet endroit la galerie se dédouble et nous engageons la partie supérieure, afin d'éviter de nombreuses laisses boueuses qui garnissent le passage inférieur, qui doit certainement se noyer à chaque montée des eaux.

Par la suite, la galerie devient très déchiquetée et donne l'impression que la roche a littéralement "fondu" sous un souffle nucléaire ou volcanique ! Ayant parcouru quelques grottes d'origine volcanique en Auvergne, ce décor noir et déchiqueté donne la même impression.

Après avoir parcouru ce dédale, il y a encore un obstacle à franchir sous la forme d'un lac profond d'environ 1 mètre et entouré de berges abruptes et glaiseuses à souhait ! Vous me voyez venir... car bien sûr c'est là que « Sébo-la-spéléo » fait un faux pas et rempli sa première botte du jour… ;-)

Il y a parfois du bon à être en arrière, on voit ce qu'il faut éviter de faire avant que son tour arrive !

Après cet incident sans conséquence, une petite grimpée et nous voilà à pied d’œuvre.

Le "lunch" ayant été pris 200 mètres avant, nous ouvrons les kits et disposons les outils sur les sacs vide afin de ne pas tout englaiser dès le début !


Pierre s'attèle à la pause du premier amarrage du câble inférieur. Car le but de notre mission, précisons-le enfin, consiste à installer une sorte de tyrolienne pour enjamber un lac temporaire d'une bonne douzaine de mètres de longueur, heureusement à sec aujourd'hui !

A 3 reprises, cet endroit a empêché les explorateurs de poursuivre, il était donc temps de réagir !
Pour ce faire, un câble porteur de 12 mm servira de repose-pieds à environ 1,5 mètres du plafond, tandis qu'un câble main-courante de 10 mm sera tendu près du plafond, afin de pouvoir s'agripper en jouant les funambules au-dessus du futur bassin profond !

A cet endroit, la galerie est en forme de S, ce qui ne facilite pas la tâche... Le premier amarrage solidement fixé, nous déroulons le gros câble au-dessus de la fosse et grimpons de l'autre côté pour y trouver un autre point de fixation. En fait, au vu de la longueur du câble, il s'avère que le second amarrage se situera à la verticale d'un petit lac glaiseux et assez profond... par vraiment l'endroit rêvé pour fixer un amarrage sans passer au jus !...

Pour tendre le câble, un moufle est installé à l'aide d'une corde et plusieurs poulies de renvoi, et c'est là que la « grenouille » entre en jeu. La grenouille, est en fait une grosse pince excentrique, qui pèse à elle seule au moins 2 kg, et qui permet de pincer le câble sans glissement, depuis n'importe quel endroit sur sa longueur.

De nombreux essais sont nécessaires afin de tracter dans l'angle juste, via une déviation ajoutée entre-temps. Car, inévitablement, le câble prendra la direction bissectrice des diverses angles de traction (n'est-ce pas, Seb !?) et, finalement, il faut se résoudre à desserrer les serre-câbles afin de gagner les 20 cm fatidiques qu'il manque pour pouvoir fixer l'amarrage au seul endroit qui si prête de façon sûr.

En effet, un câble d'acier ne s'allonge pas, et ce n'est pas avec une corde, même en étant trois à se pendre au bout du moufle, que nous ne pouvions gagner un millimètre de plus. C’est pourquoi, une autre solution devait s'imposer !

Et c'est en manoeuvrant la clé de 17 au-dessus du lac que le Millepattes la laisse choir dans l'eau trouble !... Et c'est le bras plongé dans la fange jusqu'à l'épaule que le pauvre fouille la glaise en suspension, qui a tôt fait d'engloutir l'indispensable outil !
Après quelques minutes de suspens avec une manche et un gant bien rempli, le myriapode repêche le poisson, le travail peut ainsi reprendre !

Le premier câble étant enfin posé, nous fixons du même côté l'amarrage du câble supérieur, mais cette fois juste avant le maudit petit lac !

Les parois étant grasses à souhait, le Millepattes se cale en opposition entre les deux rives de façon à ce que ses bottes servent de cale-pieds à Pierre, pour qu'il puisse poser ses amarrages en hauteur sans glisser immédiatement au fond du passage !

Ceci réglé, nous déroulons la seconde torche dans l'autre sens et cherchons le meilleur point de fixation à l'autre bout de la tyrolienne. Une fois localisé, une petite déviation sera nécessaire avant l'amarrage proprement dit.

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Le rituel de tension à la grenouille peut reprendre et c'est là que des données d'ordres retentissent, assez inhabituelles dans le jargon spéléo, du genre :

Pierre : Seb, détend la grenouille, elle est mal placée !

Seb avec de gros rires : Tu en est sûr ?!...

Un enregistrement audio de nos expé serait peut-être pas mal dans le futur, en tout cas il édulcorerait pas mal les récits du blog… ;-)

Cette fois, c'est une épaule du Millepattes qui servira de marchepied à Seb pour le forage des trous pour les chevilles. Le perçage étant assez long, le Millepattes ne peut s'empêcher de lâcher lorsque Seb quitte enfin son perchoir improvisé :

- Ouf, ça fait du bien, il est pas super léger le bougre !...

Après ces quelques "sorties" mémorables, l'atmosphère semble réchauffée et le boulot se poursuit dans la bonne humeur. Le second câble est tendu à son tour et chacun va tester la passerelle afin de donner ses impressions, lesquelles sont excellentes.


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Le passage de l'angle de la galerie se fait sans problème, car les câbles sont suffisamment tendus pour ne pas se mettre à osciller en milieu de vasque, ce qui ne serait, certes, pas agréable vu que ça glisse déjà assez comme ça !


La corde de mouflage va nous rendre un dernier service, soit équiper d'une main-courante le petit lac ou Seb à rempli sa botte en arrivant, ainsi qu'un bout de corde à noeuds pour franchir un ressaut.

La longueur de la corde est pile poil ce qu'il faut pour équiper ces deux passages tout en se raccordant au départ de la tyrolienne, et c'est ainsi un magnifique passage sécurisé que nous avons dès lors à disposition.

Plus qu'a rassembler le matos et le répartir dans les kits, puis nous pouvons attaquer le chemin du retour et s'arrêter au même endroit que précédemment pour la pause pic-nic, afin de récupérer nos "gamelles" tout en faisant les 4 heures, alors qu'en fait, on est déjà bien au-delà dans l'espace temps !

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Puis le retour s'engage, au sérieux cette fois ; misère, la route va être longue avant que l'on revoie le jour, ou, plutôt la nuit étoilée et glaciale !

Nous allons bon train via la galerie des Lucioles, puis celle des Lacs, franchissons la salle du Col non-stop, ensuite, petite pause boisson au parc matériel à l'amont de la galerie des Errants, puis nous laissons Seb et Vivien s'engager dans ladite galerie, afin d'avoir le plaisir de voir Sebo se "planter" au prochain carrefour !...

- La peste soit des errants ! Entendons-nous rugir derrière, quand Seb s'aperçoit qu'il s'est à nouveau planté au même endroit !

Le Terminal, Merlin et Pinpin sont avalés sans autre problème, puis, cette fois Millepattes enfile en tête la galerie du Graal, et le lent retour dans ce long boyau peut commencer. Passé le Mouille-cravatte, c'est le passage de la corde à noeuds, où le constat est fait que celle-ci a perdu sa chemise...

Le Millepattes fait passer l'avertissement à ses suivants et Pierre, qui ferme la colonne, s'occupe de raboter l'arrête rocheuse coupable et refait un noeud à la corde afin de sécuriser le tronçon qui est endommagé.

Tout le monde se retrouve au "vestiaire" du bas du puits de la Peur et se rééquipe pour la montée. Millepattes, sitôt équipé, s'accroche à la corde et l'ascension peut commencer.

Avec la fatigue, il n'aura plus la force de se retourner dans le boyau Blanche-glaise et le traversera en marche arrière en remorquant son kit ! Après tout, cela ne va pas plus mal !

La remontée de la trémie n'est pas vraiment un plaisir avec un kit bien chargé ; cette fois, il a "hérité" de la célèbre grenouille avec les deux mini-bags d'outillage, heureusement que c'est Pierre qui se coltine la perceuse !

En plus, en remontant le puits de la Cathédrale, voilà encore que le Millepattes a soudain de sérieux problème avec son bloqueur ventral. En effet, la position de ce dernier est anormale, quelque chose a du se tourner faux lors du rééquipement et la "bestiole" fonctionne mal...
Le scénario va se répéter à chaque puits, avec, en apothéose, l'évasion de la corde du croll en pleine ascension du puits de la Douche (effet "douche froide" garanti !).

Heureusement, il devait attendre Vivien aux fractios, ce qui lui laissait du temps afin de surveiller à chaque "pompée", que le croll reste en place !

Plus la sortie approchait, plus la température chutait, malgré notre brave "bunker" de tête de puits !

Une fois en haut, il est 22h30, nous avons passé plus de 12 heures sous terre. L'échelle fixe est complètement gelée, la porte couverte de givre, le Millepattes l'ouvre afin de balancer son kit à l'extérieur pour faire de la place, et reçoit une volée d'air absolument glacial en pleine face !

Après avoir bien transpiré dans la montée des puits, c'est la cerise sur le gâteau ! Aussi, il attendra que tout le monde soit là avant de rouvrir la porte et de s'éjecter de cette "capsule" pour se retrouver dans l'espace "inter-sibéral" !

Autant dire que personne n'a traîné pour remettre les raquettes et déguerpir d'ici au plus vite !

Nous sommes rapidement redescendu aux véhicules, où tout était déjà gelé (-11 degrés au parc !), et après un déséquipement sommaire pour la plupart des participants, le cap est mis sur la millepatière, où l'on se rue tous au chaud afin de finir de se changer dans des conditions acceptables !

Bref, ce fut une belle aventure, mais la fin, par des températures pareilles, pas vraiment un dessert !

Vive le « réchauffement climatique » !

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