Des études approfondies (diplômes universitaire de type bachelor ou master) mériteraient d'être entreprises, vu les multiples intérêts que représente le Réseau des Fées par rapport à sa formation, à son évolution et à l'histoire de la région au sens large.

Depuis septembre 2008, suite à la jonction de la Baume des Follatons avec le Réseau des Fées, il est possible, aujourd'hui, d'effectuer relativement facilement une traversée très instructive de la cavité.
Les 150 m de dénivellation du gouffre des Follatons fournissent tout d'abord l'occasion de traverser perpendiculairement la série stratigraphique du jurassique supérieur (Séquanien) et d'en observer ses détails.

Une comparaison avec les profils géologiques connus de la région permettrait à l'avenir de savoir exactement, et ceci presque au mètre près, dans quel niveau nous nous trouvons au fur et à mesure que nous nous enfonçons dans le gouffre.

A partir de la surface, nous avons noté, lors de notre progression, les principaux accidents tectoniques rencontrés (failles et fractures).
Majoritairement, ils sont disposés verticalement à sub-verticalement, ce qui est logique, dans un massif constitué par des formations géologiques horizontales à sub-horizontales. Leurs directions varient en fonction des contraintes subies par le massif en général, qui a l'aspect d'un grand anticlinal peu arqué et plutôt "plat" à son sommet (plateau du Risoux).

Ce contexte géologique de base change peu d'un bout à l'autre de la grotte, exception faite pour les zones d'entrée du côté des Grottes aux Fées, qui se développent dans une partie de l'important "décrochement de Pontarlier".

Cette géométrie conditionne des formes de creusement en régime noyé qui ont été principalement contrôlés par une stratification horizontale et une fracturation verticale. Le Réseau des Fées représente, d'un point de vue géologique et hydrologique, le cas le plus classique que l'on puisse trouver dans un ouvrage de karstologie.
Mais, ce n'est pas pour cela qu'il est dépourvu d'intérêt, bien au contraire !

Progression
Dès l'entrée du gouffre des Follatons, on peut observer une première fracture sub- verticale (pendage de 80° vers l'ouest et direction de 336°) au niveau du premier puits (P. 14). La descente s'opère sur ce plan de fracture.
Vers - 55 m, une autre fracture présente également un pendage de 80° vers l'ouest mais une direction nord (360°).

A la salle de la Cathédrale, plusieurs fractures verticales se croisent (220° et 320°), ce qui a permis la formation de ce vide plus important du gouffre.
Au sol, un gros bloc effondré du plafond laisse apparaître de splendides fossiles de gastéropodes Nerinea (Nérinées en français). La présence de ces organismes fossilisés devrait permettre de se situer dans la stratigraphie.



Certains niveaux des parois à la base de la salle sont constitués par des calcaires très organogènes (Coraux, coquillages, etc.).

Après le méandre "Blanche Glaise et les 7 Gouilles", dans le puits de la Peur, vers -140 m, on peut observer des vestiges de remplissages.
Un premier, à mi-puits, de nature argileuse semble-t-il (trop éloigné pour le garantir) et un second un peu au-dessous de nature brêchique et constitué d'éléments anguleux et grossiers.
Les dépôts argileux clairs, présents en reliquats dans toute cette partie de la cavité, pourraient être une preuve de son comblement intégral à une certaine époque, comme nous pourrons le constater dans le collecteur fossile principal.



Le volume de ce puits de la Peur (P 17) s'est formé grâce à deux fractures verticales parallèles orientées à 50° ; elles sont bien visibles dans les parois opposées de la salle. Par un petit soupirail et deux ressauts de 4 m, nous atteignons à -154 m le "niveau de base", dans la rivière Changelin.

A partir de ce point, dans la galerie du Graal, nous relevons la présence de nombreux galets roulés, qui à coup sûr ne proviennent pas des puits de la Baume des Follatons, mais bien des crues liées à la rivière principale qui a creusé le réseau et à ses mises en charge régulières à cette profondeur.
Dans ce petit méandre, nous observons à 1 m de hauteur, un nouveau niveau très fossilifère.

Un peu plus loin, dans la galerie des Epées, nous pouvons observer ce même niveau. L'érosion de la roche calcaire dans le banc sous-jacent, est extrêmement spectaculaire. Pour progresser, il faut sautiller de champignons déchiquetés en lames tranchantes…



En progressant ensuite dans l'autre sens, en direction du collecteur fossile menant aux Grottes aux Fées, nous changeons légèrement de niveau stratigraphique.
En effet, dans la galerie Merlin, depuis le méandre vadose de surcreusement, nous nous élevons dans la partie supérieure, qui a dû être, comme la majorité des volumes du réseau, creusée en régime phréatique.

Ndlr. Un méandre vadose de surcreusement correspond à un méandre qui s’est creusé à l'air libre (écoulement torrentiel) dans la partie inférieure d'une galerie pré-existente (souvent phréatique, donc creusée en régime noyé).

Ce niveau doit correspondre aux stratifications de la base du puits de la Peur ; d'épais bancs de calcaire massif sont séparés par de minces interstrates à tendance plus marneuse.
Comme nous l'avons vu ailleurs, il est probable que c'est ce niveau que l'eau a choisi d'excaver de façon préférentielle, tout au début de la spéléogenèse.
L'histoire de cette dernière reste a écrire et ne peut en aucun cas reposer sur ces quelques observations préliminaires.

En poussant vers l'amont du collecteur jusqu'à la salle du Col, on voit que la large galerie Céleste qui se développe au nord-ouest s'est formée sur une fracture orientée selon le même axe.

Depuis la galerie Merlin (et même le puits de la Peur) nous avons noté de très importants dépôts d'argile claire et fine, finement stratifiée (varves) qui parfois remplissent les conduits jusqu'au plafond.
Il est vraisemblable, qu'à une certaine époque (quand ?) ce matériau, non analysé pour instant et de provenance inconnue, aie pu combler entièrement la totalité des volumes du réseau.

Nous en voulons pour preuve les masses importantes qui subsistent par endroits (salle Pentue et salle du Dôme notamment) et qui ont résisté à l'érosion des rivières actives ultérieurement.



Dans tous les cas, ce comblement n’est pas très ancien (?), car, à la salle de la Reine nous avons observé que ce sédiment était disposé sur un gros bloc de concrétion qui s'est détaché du plafond.
L'ensemble des gros volumes a donc été creusé antérieurement (ce qui est logique dans tous les cas) et des phases de concrétionnement en régime non noyé se sont succédées avant ce dépôt.

A la base de ce dépôt, en aval de la galerie des Errants, on observe un mélange d'argile fine et de petits cailloutis roulés. Cette mixité devient plus importante vers l'aval du réseau, ou le remplissage d'argile disparaît presque complètement et ne subsiste que sous la forme de lambeaux résiduels collés aux parois ou dans les renfoncements. Il faut dire que dans ce secteur (méandre Blizzard) les rivières sont très actives et ont bien "travaillé" pour désobstruer la cavité.

Il serait possible, sans avoir pour l'instant analysé ces dépôts argileux, de suggérer qu'il puisse s'agir d'un genre de loess (fine poussière glaciaire ayant été transportée par le vent) qui, à l'origine formait des dépôts à la surface du massif karstique lors de la dernière ou avant dernière glaciation et qui ont été lessivés au travers des fractures du terrain, pour s'accumuler dans la grotte pré-existante.
Car ne l'oublions pas, à l'exception de quelques sommités élevées, toute la chaîne jurassienne a été recouverte par une calotte glaciaire, plusieurs fois durant l'ère quaternaire.

Dans la galerie des Errants (partie sud-est), nous pouvons observer un curieux phénomène d'érosion, probablement phréatique.
Comme dans certaines grottes d'Afrique du Sud creusées en régime noyé (Apocalypse Pothole), l'eau a profité d'un réseau de fractures orthogonales verticales (fault control) ainsi que de la stratification horizontale (joint control) pour créer un labyrinthe parmi d'énormes volumes de roche parallélépipédiques qui peuvent atteindre la taille d'une maison.

Pour progresser, il faut trouver le bon chemin entre tous ces obstacles, car le passage n'est pas possible dans la galerie originelle située juste au-dessus, vu l'érosion extrêmement déchiquetée des calcaires.
Sur les côtés de la galerie, on peut observer le réseau de fracture qui est responsable de ce phénomène.

A la Salle Jurassique, nous notons la présence de deux grandes fractures de direction nord-nord-ouest avec une extension en direction du gouffre des Follatons.
L'existence de ce dernier n'est évidemment pas due au hasard, mais correspond à un lieu d'intersection de plusieurs fractures importantes.

Dans la salle des Titans, une autre fracture importante d'orientation 320° abouti, si on la prolonge, également au gouffre des Follatons et correspond peut-être à la fracture "salle de la Cathédrale - puits de la Peur" (orientation 320°).
Le fait que la plupart des fractures soient verticales facilite la compréhension en 3D par rapport au plan de la grotte en 2D.

Plus en aval, nous n'avons pas mesuré d'autre fracture, vu qu'elles apparaissent clairement sur la topographie.

Le méandre de la rivière Blizzard, qui a permis de trouver la suite du collecteur fossile, n'est qu'un méandre vadose récent.
La galerie d'origine, comblée dans ce secteur, doit certainement exister entre la galerie des Géants et la salle du Chirocoptère.

Avant d'élaborer un début d'explication sur les circulations passées et récentes (nouveau drain qui se développe plus au nord), il faudra collecter davantage de données dans les différentes parties du réseau.

Gérald