Entre le pic-nic d’un spéléo et le casse-croûte d’un cosmonaute, on trouve peu de différence, puisque tout doit / devrait être :

  • léger ;
  • incassable ;
  • générateur de peu de déchets (qui sont bien sûr remontés) ;
  • bon (tant qu’à faire) ;
  • facile à préparer, idéalement juste à base d'eau chaude.

Voici quelques exemples :



On fait les courses

Ensuite, il faudra passer une soirée qui sera destinée à charger le sac de la meilleure façon possible, en optimisant la place à disposition. Certains iront jusqu’à démonter entièrement un réchaud à gaz !

Avant le départ, il y’aura les contacts de dernière minute. Ce sera l’occasion de :

  • Refaire le point météo
  • Evoquer le cas de collègues spéléo français, emprisonnés derrière leur siphon

C’est lors de ce rapide coup de fil que nous prendrons la décision d’écourter notre séjour. En effet, la météo n’est pas sûre à 100%. La pluie qui arriverait, sur la couche neigeuse, pourrait augmenter le niveau d’eau dans le réseau et potentiellement nous empêcher de gagner la surface. Nous nous retrouverions bloqués entre "Le Chauderon" et "Le Terminal".

Etape 2 : L’exploration (et topo)

Une fois encore, nous accédons au réseau par les Follatons. Les récentes installations évitent d’abaisser la température de l’entrée et c’est plutôt bienvenu. Le méandre « Blanche-Glaise et les sept gouilles » est transformé : on y trouve désormais qu’une ou deux grandes gouilles. Bien que forcé de ramper, on s’efforce de rester au sec en s’élevant un maximum et en posant genoux et coudes sur les petites bosses formées de glaise. Quelle gymnastique !

Arrivés au bas des puits, nous progressons dans la galerie du Graal. La tendance se confirme : des bassins inexistants à l’étiage compliquent désormais notre progression. D’autres, présents à l’année, se sont encore agrandis et certains s’étendent sur plusieurs mètres. Nous les franchissons en s’entraidant, pour que les kits (et nos affaires) restent au sec.

La séance nettoyage effectuée (galerie des Epées), nous nous préparons à la poursuite de l’exploration de la galerie des Nymphes (Amont des Epées).

Aujourd'hui, je suis équipé d’une combinaison étanche, qui me permettra d’affronter l’eau en conservant mes habits secs. Assis dans ma bouée, je traverse le premier grand bassin, le sac en équilibre sur mes genoux. Mon équipier, sans combinaison étanche, choisira la voie sèche (et périlleuse) en progressant sur une petite vire qui surplombe ce lac de 2 à 3 mètres.

Arrivé à l’autre bout du lac, je fais connaissance avec l’endroit. On y retrouve les mêmes lames de roche que dans la partie Aval de la galerie des Epées. En revanche, celles-ci sont bien plus fines, plus coupantes et plus fragiles.

La partie Amont est donc bien plus agressive pour les explorateurs que nous sommes. Au vu de la mésaventure de Patrick, je redouble de prudence. Il s’agit d’éviter une chute qui pourrait avoir de graves conséquences.

Arrivés au dernier point topo, nous déballons nos affaires et nous partons en reconnaissance.

Attention : tout ce qui sera reconnu devra être topographié. Aussi, il s’agit de lutter entre un sentiment de curiosité -l’appel de la découverte- et la mesure du travail qui pourra être réalisé dans le temps imparti. Il faut une certaine force de caractère pour s'obliger à ne pas avancer d'un pas de plus, alors que l'inconnu est devant nous.

Nous arrivons à un second bassin. Cette fois, impossible d’éviter la baignade. Et j’ai laissé la bouée loin derrière. De toute façon, au vu de l’équipement de Pierre, elle n’aurait pas été une solution. Ni une, ni deux : Pierre grimpe sur mes épaules et je traverse l’étendue d’eau en faisant bien attention, ni de trébucher, ni de lui remplir les bottes dont les bords fleurent le niveau de l’eau.

De son côté, du haut de sa tour d’observation, mon collègue tente de stabiliser l’ensemble à l’aide de quelques prises sur les parois. Quel dommage de ne pas avoir emporté d’appareil de photo ! Nous aurions pu immortaliser ce beau moment, preuve de l’entraide et de l’imagination nécessaires lors des sorties d’exploration !



On franchit un bassin

Au bout de l’étendue d’eau franchie, la galerie est toujours très propre, comme lavée par les crues. Les lames, toujours présentes, témoignent de nombreux remous et de la force de l’eau qui doit transiter par ces galeries.

Nous débouchons dans une petite salle, qui dénombre plusieurs départs différents. J’essaie de comprendre comment est organisé l’endroit. Il semble être constitué de galeries parallèles, avec des regards les unes vers les autres. Je m’enfile dans l’une d’elle et je retrouve mon équipier… Je suis revenu sur mes pas, preuve qu’il y’aura de boucles à topographier ! Je suis vite perdu, désorienté par la configuration des lieux.

Je tombe ensuite sur ce qui me semble être un grand siphon. Vite rejoins par Pierre, nous convenons qu’il sera notre point terminal de l’exploration. En effet : topographier l’endroit ne sera pas simple, demandera une excellente technique et du temps.

Nous revenons sur nos pas et attaquons avec méthode : La galerie principale est définie. Elle débouchera sur le siphon. Nous définissons les carrefours clés et le départ des autres galeries qui boucleront vers la petite salle. Pas loin de huit galeries seront identifiées et topographiées !

De mon côté, je m’attaque à l’exploration du siphon. A peine immergé, je me rends compte qu’il est bien plus vaste qu’imaginé au départ ! Le plafond est vouté et l’étendue d’eau rend impossible l’exploration sans embarcation. A certains endroits, je perds pied et l’eau froide aurait vite fait de me tétaniser, surtout si le bassin se poursuit, après la roche que j’aperçois au premier plan.

Mon collègue me signale que le dessin prendra du temps et il me suggère d’aller chercher ma bouée, laissée en arrière. Je m’exécute et au retour, c’est une attention de chaque instant, pour éviter de crever ma chambre à air, tellement les roches sont coupantes.

Arrivé sur la plage de sable, je monte sur mon bateau et je me rends mieux compte de la forme du bassin. En faisant tout le tour, et débarquant à certains endroits, je peux cette fois affirmer qu’aucune possibilité de continuation n’est bien visible. A priori, seuls des plongeurs pourraient passer l’obstacle.

Le lac est parfois bien profond. J’en estime le fond à plus de 4 mètres, tant l’eau devient vert foncé dans les zones les plus basses. Une fois ce tour d’observation réalisé, il s’agit de topographier l’endroit.

Rien n’est simple :

  • mon embarcation n’est pas très stable
  • il s’agit de ne pas chavirer, surtout avec le lasermètre, qui ne supporterait pas
  • Je dois assurer le dessin, les visées et relevés
  • la précision n’est pas facilitée par le bateau qui bouge sans arrêt, et les points à viser difficile à atteindre
  • je commence à avoir froid, à force de barboter dans cette eau !

Du coup, je reviens à la berge avec une vague esquisse du lac et des dimensions approximatives.

Ce sera néanmoins le dernier coup de crayon de la journée. Nous regagnons ensuite le carrefour des Epées pour aller ranger le matériel et nous nous dirigeons vers le bivouac.

Etape 3 – la nuit sous terre, au bivouac

En chemin, à l’entrée de la galerie du Graal, nous déposons le matériel que nous remonterons le lendemain (inclus le Disto-X… avec la montre, ooooops !).

Ce n’est qu’arrivé à proximité du bivouac que nous nous rendons compte de notre oubli : sans indication horaire, comment allons-nous régler le réveil pour le lendemain matin ? Comment faire pour avoir une idée du temps passé sous terre et retourner en surface à temps (ndlr : tea-room encore ouvert) ?

Nous hésitons. Revenir en arrière pour chercher cette satanée breloque ? Tenter d’estimer l’heure et régler le réveil en conséquence ? Après une rapide concertation, nous avons en tête une heure approximative, en fonction de la dernière fois que nous avions regardé cette montre.

Il nous reste à estimer le temps nécessaire à gagner le bivouac et régler notre réveil. Après tout, quelle pourrait-être la marge d’erreur ? Une heure ? Deux heures ? La décision est prise, nous nous mettons en route, sourire aux lèvres… en imaginant déjà le lendemain !

L’approche du bivouac est très appréciée. D’abord, on parcourt la galerie des Titans qui est exceptionnelle. Puis la salle Pentue. Et enfin la salle du Dôme, avec la tente à son sommet. Chacun sait où se trouve ses affaires, il y’a une sorte de rituel :

  • Se débarrasser des affaires sales, à l’écart de la zone « propre »
  • Quitter les bottes et chausser les baskets
  • Echanger le casque contre un bonnet et une lampe frontale, plus légère
  • Allumer les bougies
  • Préparer la tente, passer à l’apéro…

Toutes ces choses rendent l’endroit chaleureux et accueillant. A vrai dire, on peut douter de trouver un meilleur endroit pour déplacer le bivouac en amont du réseau des Fées.

Nous préparons le souper, qui sera arrosé d’un cabernet sauvignon. En effet, nous avons emporté avec nous un peu de vin, qui devrait nous aider à dormir !



On se fait plaisir...

On plaisante au sujet des dates de péremption des aliments. En effet, nous avons emporté avec nous des produits achetés récemment, mais nous consommerons en premier les produits les plus anciens. Après tout, il faut bien faire tourner le stock !

Au menu ce soir-là :

  • Soupe aux cœurs d’avoine, oct 2006
  • Spaghetti Carbonara, déc 2007.
  • Café, accompagné de son chocolat (2008… mais pas très bon, celui-là :-)

Etape 4 – le 2ème jour (& verdict)

Le réveil sonne, peu après 08h00 (toujours estimé…). Nous préparons le petit déjeuner, qui sera suivi du rangement. Tout est protégé au mieux contre l’humidité. Ensuite, il est temps de remettre nos combinaisons boueuses pour affronter le trajet du retour.

Ce trajet a été l’occasion de longues discussions sur la formation des galeries dans le réseau, les noms donnés aux endroits traversés, aux théories sur l’hydrologie des lieux… bref, tout est passé très vite, jusqu’au carrefour de la galerie du Graal. Nous récupérons la montre… mais avant de regarder l’heure, nous nous livrons à un petit jeu :

Alors… quelle est l’heure estimée ? 11h30 !

Et quelle est l’heure réelle ? 11h35 !

Quelle surprise ! Nous n’avions que 5 minutes de décalage, par rapport à la réalité ! C’est sur cette note positive que nous attaquons le chemin du retour : mêmes bassins, mêmes gouttières durant la remontée des puits. Au fur et à mesure du rapprochement de la surface, nous perdons des degrés et le froid se fait sentir. Alors que nous débouchons dans la forêt, il neige à gros flocons ! Parfait pour un camp de Noël !

Par contre, il faut regagner la route et la place de parc en contrebas… alors que nous sommes mouillés. Devant la voiture couverte de neige, nous devons nous changer intégralement pour retrouver des habits chauds. Quelle épreuve !

Plus tard, au chaud, nous reparlons de nos découvertes et des 208 mètres de nouvelles galeries explorées. Nous réfléchissons à la suite possible et sommes un peu déçu que le secteur des Nymphes soit déjà bouclé.