Nous parvenons au bord de l'orifice. Tout en disant au Millepattes : « Je descends directement au départ du puits de la Cathédrale afin d'ajouter un fractio supplémentaire », Pierre rééquipe le puits Cayenne et s'engouffre direct en bas avec son kit lourdement chargé : Perceuse, accus, etc., etc.

Sitôt le premier puits libre, je me lance à mon tour au milieu des moustiques voltigeant en tous sens de ce microclimat qui semble leur convenir à merveille ! Avec mon kit, certes moins lourd mais bien rempli tout de même avec trois tonneaux dont les explosifs, il faut éviter de descendre comme un dingue si l'on ne veut pas ressortir du trou tel un vulgaire bouchon de champagne !...

J'enfile donc les puits successifs à mon rythme, en prenant garde de ne pas faire surchauffer le descendeur, car malgré tout, ce dernier fume un peu en bas des grands puits ! Bon, ce n'est que la vapeur d'eau qui sature la corde, mais il faut vite la libérer une fois en bas, afin de ménager celle qui n'aime pas trop les coups de chaleur !

Arrivé en tête du puits terminal, je constate que Pierre a déjà terminé la modification et qu'il se déséquipe au bas de la salle de la Cathédrale. Je descends à mon tour pour faire de même. Je regarde l'heure, 10h20. Nous sommes entrés à 09h45, donc la descente non-stop à un rythme tranquille représente déjà 35 minutes, le gouffre devient quand même conséquent !
Une fois allégé de mon baudrier, je descends sous la trémie rejoindre Pierre dans le désormais bien nommé Méandre Blanche Glaise et les 7 Gouilles !!!...



Là, Pierre s'occupe du moellon qui nous barre le passage. 2 trous bien placés et 2 charges, pendant que Millepattes installe la ligne de tir au plafond, afin que l'on arrache pas tout en rebroussant chemin !
Puis… BOUM !!!
Un peu de fumée, très peu de CO, la charge était très faible et bien calculée puisque le moellon s'est détaché de la paroi tout en se réduisant en plusieurs morceaux. Pierre les refoule en arrière afin que je puisse les récupérer en commençant par les plus gros, pour créer un pont supérieur sur un rétrécissement du méandre, et pouvoir ainsi utiliser la niche supérieure comme lieu de stockage pour les matériaux. A défaut de main-d'oeuvre pour faire une chaîne d'évacuation, il faut la jouer futé ! Les morceaux de glaise qui jonchent le sol sont également les bienvenus pour cimenter le tout et garantir le passage pour les mille ans à venir…

Après quoi, Pierre se remet à percer dans les flancs du pincement qui fait suite à l'ancien moellon, ce ne sont pas moins de 5 charges qui seront ainsi mises en place de part et d'autre. L'installation des lignes électriques s'effectue dans la limite du possible, vu l'étroitesse des lieux.
Le bras tendus à l'extrême, le Millepattes récupère les fils afin de les amarrer au burin planté dans une fissure, pour que Pierre puisse passer sans tout arracher au passage !

Les raccordements effectués, nous nous extirpons de notre position inconfortable. Parvenus au départ du méandre Blanche Glaise, Pierre me propose de franchir la trémie avec la bouffe, étant donné qu'il y aura passablement de gaz et que l'on sera mieux en haut pour casser la croûte en attendant que les fumées se dissipent. Je te dirais « attention » juste avant de tourner la clé, qu'il me lance au moment de m'embarquer dans les 7 à 8 mètres de grimpée.

Les gants dans une main (heureusement !), le kit dans l'autre, je remonte aussi rapidement que possible dans cette configuration inconfortable, car il est inutile de mettre le kit à dos à cause de l'étroiture au sortir de la trémie.
C'est au moment où j'enfile cette satanée étroiture que j'entends le « ATTENTION ! » ...
Je n'ai que le temps de larguer mon kit et mes gants afin de me boucher les oreilles, et c'est les deux jambes dans le vide, coincé dans l'étroit passage que je ressens la déflagration…
J'ai senti vibrer tous les rochers sous l'effet de l'onde de choc. Déjà qu'ils ne tiennent en place que par un vrai miracle d'équilibre et d'effet de voûte… un hamburger au Millepattes est-ce que ça ressemblerait à ça ???...

Le calme revenu, je m'extrais de ma désagréable position, et Pierre qui arrive en dessous semble étonné en lâchant : « Mais, tu étais encore là !?... » Il était temps d'aller manger afin de calmer les émotions...

Il est 12h30 quand nous finissons le frugal repas, les gaz étant partis dans les cheminées, plus qu'à redescendre pour aller admirer les dégâts ! Pierre s'engage dans le boyau gluant et retourne au front. « Joli » qu'il dit, le tir a été nickel. Il débarrasse les lignes de tir et me refile quelques gravats qui iront rejoindre les précédents dans la petite chambre. Puis, à défaut de nouveaux gravats qui devraient arriver vers moi, j'entends soudain des roulements sinistres de cailloux qui s'écrasent...

« Ben m... alors » s'exclame Pierre, « un puits ! C'est contraire à tout ce que j'avais imaginé ! »
Le Millepattes se dit que comme ça au moins, il n'aura plus grand-chose à stocker, Pierre n'a plus qu'à tout balancer devant lui !...
Et c'est ainsi que se poursuit la désobstruction, il semble que les morceaux de paroi restante se détachent facilement. A l'aide du ciseau et du pied-de-biche, Pierre a tôt fait de tout envoyer dans ce gros puits qui s'ouvre devant lui !

Nous retournons dans la salle de la Cathédrale pour aller chercher le solde de corde du dernier puits. En fait, nous ne récupérons qu'une dizaine de mètre, et comme cela ne suffira pas, il ne reste plus que la « corde à linge à dix balles » (dixit Pierre) à Millepattes, pour rallonger ce que nous avons…

C'est à ce moment que le Millepattes commence à douter… Non pas de la résistance de la corde à linge puisqu'il s'est entraîné sur une identique pendant tout l'hiver dans sa grange ! Mais plutôt le passage du noeud en plein vide ! Pierre donne les explications sur la technique à adopter, mais le Millepattes ne semble pas convaincu…

Retour avec tout ce matos au terme du méandre Blanche Glaise. Pierre perce la roche et poses les amarrages. Le Millepattes qui ne peut rien faire commence à se les geler ! En effet, le courant d'air a repris du poil de la bête avec le réchauffement de la température extérieure...

Une fois l'équipement terminé, Pierre se lance dans cette nouvelle descente aux abysses, avant de s'arrêter sur le noeud qui relie les deux cordes. Là, quelques problèmes de coincement entre le mousqueton de freinage du descendeur et la ficelle (!) de Millepattes, le bloque pas loin de 10 minutes à près de 10 mètres du sol...

Pendant ce temps, le Millepattes, longé au départ de la corde tel un hibou juché dans sa lucarne, observe la scène en sentant ses jambes trembler comme des feuilles mortes… Le froid qui déploie ses effets, la peur qui s'installe, ou bien tous les deux ???... Toujours est-il que cette fois le Millepattes en est persuadé : aujourd'hui, pour lui l'aventure s'arrête ici !
En effet, si un chevronné éprouve quelques difficultés à passer ce foutu noeud, alors le Millepattes, qui n'a pas encore testé ce cas de figure bien au propre dans sa grange, va-t-il mieux s'en sortir ???... ... Foutaise !!!... Mais une chose est sûre dans les pensées de Millepattes, ce puits sera celui de la peur ! A moins que Pierre ne lui trouve un nom plus encourageant comme le puits des Abysses, de la Corde à Linge ou de la Grande Surprise, l'avenir nous le dira !

Entre temps, Pierre parvient au fond du puits avec le bout de ficelle qui s'arrête à 80 centimètres du sol… Alors, si l'on soustrait 3 mètres de corde pour la vire et les amarrages de départ, il doit rester environ 6-8 mètre utiles plus les 10 mètres de corde à "dix balles", soit un joli puits de 16 à 18 mètres. Sans compter que la partie supérieure est élevée, dont aucun des deux n'a pu estimer la hauteur faute de voir le plafond !

Pierre inspecte tous les recoins. Depuis le haut, il me semble que le puits s'évase à la base. Pierre explique que le bas est en forme de banane (encore une possibilité de nom !). Avec succès, il retrouve le courant d'air à l'aplomb de la corde et commence à dégager une petite trouée entre les blocs. Il me demande de lui "jeter" le burin, le pied-de-biche et la massette, non sans s'être mis à l'abri auparavant ! Puis il continue de dégager les blocs, avec succès car bientôt il devine la présence d'un ressaut vertical, éventuellement la partie supérieure d'un méandre. Mais un bloc plus gros que les autres risque de descendre et d'entraver le passage clé, il faudrait le retenir au moyen d'une corde pour l'extraire de là. Cette fois, plus le moindre bout de cordelette à disposition, et le Millepattes a déjà fait demi-tour en direction de la salle de la Cathédrale, le couard !

Peu de temps après être revenu dans la dite salle où j'essayais de "dégreuber" mon matos dans l'unique flaque à disposition, j'entends déjà quelques sons caractéristiques qui me soulagent. Pierre ressort bientôt de la grosse trémie avec la corde à linge à la main !

- Ben tu vois, sans la corde à linge au Millepattes, tu n'aurais pas pu faire de première aujourd'hui !

- En effet, c'est la première fois que je descends un puits sur un truc pareil !

C'est clair que ma "corde à linge" n'est pas une corde homologuée, mais très souple, elle ne prend pas de place au fond d'un kit, et peut dépanner si on a besoin d'une corde à noeuds pour passer un ressaut ou attacher quelque chose comme un bloc à dégager par exemple !... Mais effectivement, là c'était une première !
Comme elle a fait ses preuves, nous décidons de la laisser jusqu'à la prochaine visite, non pas pour descendre le puits… mais pour sortir le fameux "pelleu" qui menace l'accès méandre Pinpin… enfin je l'espère ?!...

C'est enfin l'heure de la grande remontée des puits, avec la fatigue qui s'insinue... J'aurais pu parler de mon kit très encombrant qui s'est croché tout au long de la remontée, mais cela aurait été malvenu de me plaindre, alors que Pierre remontait un sac de près de 15 kilos !

Il est 17h00 quand nous arrivons à l'air libre.

Maintenant, il y a encore un truc qui fait souci au Millepattes. Si, prochainement cela jonctionne là au fond, à près de 150 mètres sous terre, ce n'est rien de descendre... Mais après une journée d'explo, le Millepattes aura-t-il encore l'énergie pour remonter ? Ne vaudra-t-il pas mieux ressortir à l'autre bout ? Car une chose est sûre, le fameux dernier kilomètre des Fées n'est à mes yeux pas pire que de remonter tous ces puits et étroitures...

Alors, à quand le vrai boulevard d'accès au magnifique réseau des Fées ?

Laissons du temps au temps, l'avenir le dira !

Le Millepattes