Pour le Millepattes, l'affaire semble d'ores et déjà mal emmanchée ! En effet, vu les trombes d'eau qui s'abattent en ce moment sur la région et vu le cumul des 2 jours précédents, ça ne va pas être triste là au fond ! Enfin, comme c'est une succession de puits, si crue il y a, nous aurons toujours la possibilité de remonter se mettre hors d'atteinte des eaux, semble-t-il ; le Millepattes s'abstient donc de casser l'ambiance avec des remarques pessimistes !

Une fois sur le haut du chemin menant au gouffre, fini les fraises ! Ce ne sont que des belles gouilles et ruisseaux qui empruntent les ornières du sentier, et de plus, le trajet se fait sous les parapluies tellement il tombe des cordes !!! Parvenus au bord du trou, petite consolation, autour de l'échelle le puits est propre comme un sou neuf, la terre noire a entièrement disparu de la roche !
On se repartit pour la descente, afin que Michel et Etienne qui ne connaissent pas le trou, ne soient pas seuls en fin de cordée.
La descente peut commencer. Puits après puits, il n'y a pas encore trop d'eau dans celui de la Douche, cela semble correct. La descente du P37 qui suit le goulet des Aveugles prend un peu plus de temps si l'on ne veut pas recrépir de mondmilch les copains en dessous !

Arrivé en tête du puits débouchant sur la salle de la Cathédrale, Millepattes constate que Pierre a changé un fractionnement contre une déviation. C'est tant mieux, le passage sera grandement facilité puisqu'il suffira de démousquetonner la corde au moment de passer et de la remettre sitôt après. De plus, la remontée sera grandement facilitée, car le passage du fractionnement à l'entrée du goulet n'était pas chose aisée !

Une fois arrivé au bas de la salle de la Cathédrale, la descente sous la trémie s'engage et Millepattes profite d'expliquer l'anecdote du "hamburger" à Michel, qui suit de près. Le méandre Blanche Glaise, bien trempé, nous rappelle les "délices" de patauger dans la boue liquide, et parvenu à l'étroite lucarne du puits de la Peur, cela devient de la première également pour Millepattes qui, rappelez-vous, n'avait pas osé franchir le pas la dernière fois ! Cette fois, pas de problème, les muscles tous chauds et la belle corde neuve que Pierre vient d'installer ont gommé toute appréhension, ce qui fait que le Millepattes enchaîne ce puits comme tous les précédents.



Une fois en bas, Pierre est déjà à l'oeuvre afin de dégager le bloc de roche qui obstrue l'entrée du prochain méandre, qu'il a repéré la dernière fois. La "corde à linge" est à nouveau sollicitée pour amarrer ce foutu caillou, et les copains assurent à l'autre bout de la corde afin d'éviter que le colis ne bloque le passage en contrebas. Au bout d'un moment, lassé de travailler la tête en bas dans une position inconfortable, Pierre passe le témoin au Millepattes pour tenter d'extraire ce bloc qui ne fait que de se coincer dans une position comme dans l'autre !

Millepattes prend les commandes et fait pivoter l'obstacle sur le côté en demandant aux copains d'augmenter l'effort sur la corde. Et là, miracle ou coup de bol, la grosse pierre se met enfin en position favorable et daigne sortir de son logement ! Pierre semblant un peu vexé de l'issue rapide de la situation, Millepattes le rassure en lui disant :

- Tu vois, tous les Pierre sont pareils, il suffit de leur parler gentiment et ça va tout seul !

C'est donc dans l'éclat de rire général que le bloc récalcitrant est enfin dégagé et le passage libéré. Quelques coups de massette et ciseau suffisent à émousser quelques aspérités résiduelles, et Pierre, loin d'être impressionné, se laisse déjà glisser la tête la première dans l'orifice qui donne sur un départ de méandre. Il se retourne plus bas pour annoncer que la voie est libre, mais qu'il vaut mieux s'engager les pieds devant, la réception étant plus sûre en aval !
Millepattes prend donc la suite ainsi que toute la compagnie, à mesure que les premiers dégagent un bout afin de faire de la place aux suivants ; le méandre s'élargit rapidement et forme une jolie petite marmite peu profonde. Puis, une lucarne donne sur une petite salle inférieure, que l'on rejoint plus facilement en se laissant glisser par un ressaut de 2,5 mètres, qui se trouve à peine plus en avant de la dite lucarne.

La remontée de ce ressaut semblant bien moins évidente que la descente, du fait des parois lisse de l'endroit, Millepattes fait demander à Etienne qui est encore en haut, de rapatrier le solde de corde afin que l'on puisse l'installer et lui faire quelques noeuds pour faciliter le retour de notre expédition !
L'obstacle équipé, nous tentons de poursuivre plus avant notre découverte. Malheureusement, nous tombons sur un joli ruisseau qui semble provenir tout droit de la trémie du fond de la salle de la Cathédrale qui, logiquement se trouve droit en dessus de nous. Remonter le courant ne donnerait sûrement pas grand chose, d'autant plus que la direction est opposée au réseau tant convoité...

Par contre, en aval, le ruisseau bifurque presque à l'angle dans la direction plus favorable pour notre conquête du Graal. Toutefois, une voûte basse fait qu'il n'y a pas plus de 30 centimètres entre l'eau est le plafond, et pas moyen de voir si cette disposition perdure sans se mettre à plat ventre dans l'eau !
Grand dilemme, tout le monde aimerait bien savoir ce qui se cache là-derrière, mais apparemment, personne n'a envie de se mouiller, car personne n'a pensé à s'équiper en combi étanche !

Que fait-on ? La topo depuis le méandre Blanche Glaise jusqu'ici ? Ou quelqu'un se sacrifie pour aller voir ce qu'il y a au delà de la voûte mouillante, quitte à remonter tout de suite après pour aller se changer avant d'avoir froid ? On retourne la question dans tous les sens sans trouver de consensus, quand Pierre, sans doute lassé d'attendre une résolution, se lance brusquement à plat ventre dans le ruisseau et basta ! Après 3 mètres, il se retourne et demande qu'on lui fasse parvenir son kit avec le matos topo. Millepattes se trouvant dans l'intervalle et n'ayant peut-être pas envie de passer à nouveau pour un couard, se lance à son tour dans cette mouillasse glaiseuse, en poussant le kit devant lui jusqu'à ce que Pierre puisse le récupérer.

Voyant qu'effectivement le passage merdique est somme toute très court, car après 3 mètre de ramping on peut déjà se remettre à 4 pattes, l'eau étant déjà bien rentrée dans la combi, le Millepattes poursuit son incursion à la suite de Pierre, vu que maintenant on est de toute façon bien mouillé, alors tant qu'a faire... D'autant plus que le plafond s'élève rapidement et que l'on peut poursuivre debout dans le ruisseau !

La galerie bifurque à angle droit sur la gauche et cette fois la direction est pile là ou il faut. Pierre jubile et part de l'avant suivi par Millepattes. Au bout d'une vingtaine de mètres, le ruisseau disparaît dans une perte, tandis que la galerie poursuit son chemin belle sèche ! Arrivés sous une cheminée, Pierre propose de stopper et repart en arrière afin de tenter de rassembler les troupes...

On pourrait dire après coup, que c'est de là que tout va "partir en couilles"... En effet, le Millepattes tout trempé va-t-il attendre tranquillement que tous le monde se décide à prendre son bain de 11 heures et se les geler là sans bouger ? C'est qu'il y aura 150 mètres de puits à remonter tout à l'heure, et quand on est transi et tout engourdi, ce n'est pas gagné ! Il y a des fois où l'attirance est plus forte que l'obédience ! Et là, cette p... de galerie qui continue avec en prime son courant d'air si marqué, s'en est trop pour le Millepattes, d'autant que Jack, dans son dernier mail, nous assure la jonction dans les 40 à 56 mètres (à vol d'oiseau ou plutôt de chauve-souris vu l'endroit !). Nous venons de parcourir dans les 35 mètres, donc le Graal est peut être là, au prochain virage ?...

Non, cette fois le Millepattes n'y tient plus ! Vite, un aller-retour ! Savoir enfin si cette fois est la bonne !

Littéralement aspiré par cette envie de découverte, le Myriapode détale comme un lapin dans ce boyau si tentant. Un virage à droite, un virage à gauche, et ça continue encore et encore ! Tiens, c'est plus loin que je pensais se dit le Millepattes !
Tout d'un coup, arrivé sur un carrefour, tout droit la galerie se poursuit, légèrement remontante. A droite, un départ d'égale importance se détache. Par instinct, le Millepattes choisit celle de droite. Quelques gouilles à traverser, et arrivée sur un lac un peu plus conséquent où les bottes se remplissent ! Mais ce n'est pas grave, ce lac est fermé par une petite digue d'argile facile à entailler sur un bord, afin d'abaisser rapidement le niveau.

Pendant que le lac s'abaisse, je vais voir quelques mètres plus loin, c'est là la fin de cette galerie qui débouche dans un méandre perpendiculaire encore plus important et exempt de dépôt argileux. Pas d'argile, donc pas de trace d'explorations antérieures ! C'est sûrement LA jonction, mais le seul moyen d'en être certain vu l'absence de toute traces humaine et de retourner sur mes pas afin de récupérer Pierre, qui lui seul pourra en inspectant les lieux, reconnaître un passage et certifier la jonction !

Je rejoins donc ce qui deviendra la galerie du Graal et rencontre Michel, qui lui aussi, le filou, a faussé compagnie à Pierre et arrive à ma rencontre. Mais déjà, nous l'entendons se rapprocher en maugréant :

- Bande de s... Et la topo ? Et les copains alors ?!...

Ben mince fait le Millepattes tout confus, Etienne et Marc n'ont pas suivi ?

- Alors reste dans le secteur avec Michel, je repars en arrière les récupérer, comme c'est un peu de ma faute !

Millepattes repart donc à toute berzingue dans les méandres du Graal, afin de récupérer le solde de l'équipe. Mais qu'il est long ce couloir ! En fait, il doit bien faire 100 mètres avec tous ces virolets !
Parvenu à la rivière Changelin (voir explications en fin de texte), je constate que le débit a fortement augmenté, rendant d'autant plus délicat le passage sous la voûte basse. Passé celle-ci et trempe de chez trempe, je m'accroche à la corde à noeuds pour remonter vers la marmite avant d'escalader le petit canyon d'accès où maintenant coule un ruisseau qui n'existait pas tout à l'heure. Parvenu à la lucarne d'accès, je vois Etienne qui s'apprête à remonter le puits de la Peur. Lui demandant ce qui se passe, il me répond que Marc est déjà en haut et qu'il va le rejoindre ayant tout les deux décidés de remonter vu que la flotte commence à pisser partout !

Le Millepattes comprend la situation et au vu de la montée rapide du débit de l'eau, la seule chose raisonnable qu'il reste à faire et de retourner au fond en vitesse afin d'avertir Michel et Pierre du danger imminent qui se pointe !
Le passage de la rivière Changelin est rapide vu que l'on est poussé par le courant toujours plus fort ! Ce n'est pas le moment de "pédzer" se dit le Millepattes, et il refait le parcours à la vitesse maximum possible. Arrivé à la bifurcation, un ruisseau arrive de la galerie remontante et viens remplir les bassins de la galerie où j'ai quitté Pierre et Michel tout à l'heure. Parvenu à eux, je leur explique la situation. Pierre ne semble de prime abord pas convaincu ! Le Millepattes ne serait-il pas en train d'en jouer une pour se dédouaner ? Quoique !... Vu que les autres sont déjà parti, Pierre accepte de battre en retraite en reportant la topo à la prochaine visite, non sans avoir présenté la fameuse cheminée Merlin, avant de rebrousser chemin. Michel lui, aura au moins eu les honneurs de la galerie des Epées, pendant l'aller retour du Millepattes !

C'est en reprenant la galerie du Graal, peu avant la bifurcation, que Pierre constate la nouvelle arrivée d'eau en ayant de la flotte jusqu' aux genoux. Enfin, il réalise que Millepattes ne déconne pas et qu'il est l'heure de se tirer !
La remontée de la rivière Changelin devient limite au passage de la voûte basse, ça me rappelle la galerie Amphibie dans le réseau des Fées, un certain jour de février quand l'on avait apporté un nouveau tuyau…

La remontée des ressauts se fait normalement et nous nous arrêtons au bas du puits de la Peur afin de béqueter la moindre et de boire quelque chose de chaud avant d'attaquer les puits. Il y a eu un brassage de kit et Michel ne retrouve pas le sien. Millepattes sait que c'est Marc qui a son kit, du fait que celui de Marc était avec nous dans la galerie du Graal. Donc pas de problème, mais le pauvre Michel ne trouvant pas son bloqueur de pied, il éprouve quelques difficultés au départ du puits, avant de s'habituer à l'absence de l'accessoire.

Millepattes et Pierre finissent leur en-cas, vident leurs bottes pour gagner un peu de poids et rassemblent le matos. C'est là qu'un kit orange apparaît. Nous l'ouvrons pour savoir à qui il peut bien être, et là, surprise, un bloqueur de pied et de la bouffe ! C'est donc bien le kit à Michel, il faut le rattraper afin de lui redonner son matos ! Millepattes se lance à l'assaut de la corde avec ce kit, en espérant rejoindre Michel dans la salle de la Cathédrale. Le passage de l'étroiture d'accès au Méandre Blanche glaise n'est pas chose aisée en marche avant, le Millepattes pousse quelques charognées, mais ça passe. Il rejoint Michel sous la trémie où s'abat une trombe d'eau ! Il lui remet son bloqueur et l'ascension se poursuit. Escalader cette trémie sous une telle cataracte est tout sauf évident, on y voit plus rien du tout et c'est pratiquement à tâtons qu'il faut retrouver le passage entre les blocs !

Ensuite, après un petit retour en arrière afin de s'assurer que Pierre suit dans cette abominable trémie, il est temps d'attaquer le puits de 22 mètres sous une douche incroyable ! Je pédale sur cette corde, maintenant plus que propre il faut le dire ! La flotte s'engouffre dans ma combi, remplissant mes bottes à ras bord, ainsi que le kit ! Par chance, en arrivant au haut du puits je constate que l'eau ne vient pas du goulet d'entrée, sinon je ne sais comment j'aurais pu passer ! Le puits suivant est tout aussi arrosé, mais dans une moindre mesure, heureusement. Car attendre au fractionnement intermédiaire sous une douche glacée, je vous dit pas !
Arrive le puits de la Douche, c'est la remontée du jet d'eau de Genève ! Michel a frisé l'hypothermie en arrivant sous le ruisseau qui s'engouffrait là-haut ! Le P7 qui suit est également bien pourvu. Enfin le Cayenne, le seul sans douche comprise aujourd'hui…

C'est passablement exténués et grelottants que nous nous retrouvons dehors, quoique la pluie paraît bien douce à côté des douches glaciales dont nous avons étés gratifiés ces deux dernières heures ! Ma foi, pour cette fois nous n'avons pas fait de topo vu les circonstances, mais au moins la jonction est confirmée et rien que cela vaut le meilleur scoop du jour, pas vrai ?

Les Fées font ainsi partie dès ce jour des rares grottes où l'ont peut entrer à un bout et sortir à un autre, et ce n'est peut-être qu'un début !

Maintenant, puisque l'on est arrivé dans le domaine des Fées, voici la définition d'un Changelin :

Quelquefois, les fées enlèvent des enfants humains avant leur baptême, pour les élever dans leur monde et leur offrir des pouvoirs. Ces enfants sont appelés des Changelins. Ces rapts partent d'un bon sentiment, mais les parents sont souvent inconsolables. Plus grave, une fois revenus "chez eux", les Changelins élevés par les fées se sentent peu à l'aise dans une civilisation assez grossière où ils ne se reconnaissent pas. Ils détiennent des dons spéciaux et savent particulièrement s'occuper des animaux. Ce sont des êtres bons et rêveurs, qui ne se marient jamais, mais jouissent de l'estime générale. Source : Encyclopédie du fantastique et de l'étrange

Comme cette rivière collecte toute l'eau des Follatons, elle méritait bien ce joli nom de Changelin...

Le Millepattes.