Rien de grave se dit le Millepattes, au moins, cette fois, il aura tout le temps de monter tranquillement au bord du trou afin de ne pas être en nage en arrivant à pied d'oeuvre! De plus, les fraises des bois étaient délicieuses et mûres à point tout le long du chemin menant aux Follatons, c'est donc l'estomac calé de ces baies délicieuses que j'arrive au bord du trou. Ayant avec moi la corde du puits Cayenne mais pas les maillons d'équipement, je me contente de laisser filer la corde dans le trou, après avoir simplement amarré l'autre extrémité à un piquet de la clôture.

Comme j'ai environ une demi-heure devant moi, je m'allonge le long du talus bordant le trou, la tête calée sur le kit afin de laisser refroidir la « mécanique » et d'être sec au moment de descendre aux enfers!
Un Millepattes ne pouvant décidemment pas rester longtemps sans bouger, je décide de pénétrer dans les taillis plus à l'ouest pour vérifier si vraiment nous n'aurions pas loupé quelque chose dans cette jungle de broussailles et d'éboulis... Puis, des voix commencent à provenir du lointain, je remonte alors jusqu'au chemin pour rencontrer Marc et Pierre parvenant à l'entrée. Marc est de la partie aujourd'hui, c'est chouette vu ce qui nous attend là-dessous!

Pierre a vite fait d'équiper le puits, et sitôt en bas, Marc le rejoint. Le Millepattes règle encore quelques détails… puis se lance dans le trou. Parvenu en bas, les copains sont déjà loin, ce qui me permet d'enchaîner la suite sans attente.
Arrivé au bas du P7, surprise… le noeud terminal a disparu! Quelle facilité dès lors pour se dégager, une simple flexion des genoux et le descendeur se dégage de lui-même!. Merci à l'âme charitable qui l'a défait; le risque étant négligeable à cet endroit, je n'ai même pas posé la question de savoir qui a dérogé, on en saura pas plus…



La descente du P20 s'ensuit sans problème et, parvenu au fond, sachant que ce n'est pas un boulevard en dessous, j'explique à Marc que je reste un moment au bas du P20 afin de créer un cheminement le long de la mare fangeuse, à l'aide des éclats de roche issus de la précédente désobstruction. C'est qu'il m'en faut une quantité, vu qu'ils s'enfoncent à mesure dans la boue et que celle-ci remonte à chaque ajout de pierres! Mais la situation s'améliore tout de même, puis je descends pour installer la ligne de tir, car décision a été prise de déclencher la mise à feu depuis la base du P20.
En effet, ce n'est pas moins de 5 trous que Pierre a foré dans l'étroiture, ce qui fait qu'il est plus prudent de remonter un bout avant d'amorcer le feu d'artifice!



En revenant au bas du P20, Marc fait un faux pas et manque de peu de finir à plat ventre dans la bauge de boue qui orne cet endroit!!! Pierre arrive bientôt dans cette petite salle et prépare son tir. Nous nous bouchons les oreilles juste à temps, quand une « branlée » du tonnerre de Dieu retentit des tréfonds de la caverne! Heureusement que le plafond de notre puits a l'air solide!

Le calme revenu, le nuage de fumée s'invite insidieusement chez nous, accompagné de l'odeur caractéristique, la poudre à parlé! Le détecteur de CO annonce un taux montant rapidement, avant de commencer sa décrue. Rassurés, nous pouvons tranquillement casser la croûte pendant que plus bas, ça dégaze complètement.



La pause de midi achevée, nous redescendons au chantier afin de poursuivre les travaux. Parvenu sur place, j'enroule la torche de fils d'allumages qui pendillent en piteux états. Les projections de roche ont bien entamé les fils, le tir a été efficace, le passage bien amélioré et quasiment tous les gravats ont disparu au fond du trou béant! Un nettoyage à la massette et au ciseau s'ensuit et l'ont peut s'attaquer à la préparation du second tir visant à régulariser le mieux possible le passage jusqu'au départ du nouveau puits.

Comme il n'y a pas la place pour travailler à trois, je remonte les 6 mètres qui nous séparent de la faille en dessus, afin de rééquiper la ligne pour le deuxième tir. Une fois tout installé, mes deux équipiers me rejoignent et rebelote…
La 2ème explosion semble être moins violente, quoique la résonance se fait ressentir dans les profondeurs des puits qui nous entourent. Après un temps d'attente, nous redescendons à pied d'œuvre et comme d'habitude, je réenroule tous les fils qui pendent lamentablement... lorsque, surprise, un détonateur intact apparaît au bout d'une ligne! Mince, un raté!
Je dépose délicatement le colis dans une petite niche, avant de m'assurer sur la corde pour aller nettoyer le passage clé. Car il est clair que maintenant, une glissade là en bas, il n'y aurait plus de Millepattes pour la suite de "Follatons Aventures"!



Je commence à nettoyer le passage au marteau et burin, tout en n'étant pas très rassuré. En effet, n'ayant pas vu d'où est venu le raté, je me dit qu'il doit certainement rester encore une charge non explosée quelque part dans la paroi, et qu'un coup de burin au mauvais endroit pourrait avoir de fâcheuses conséquences...
Pendant ce temps, Pierre équipe le départ du boyau avec la corde de 100 mètres que nous avons préalablement lovée dans un kit, pour les puits qui nous attendent gentiment là-dessous!

Arrive l'heure de la grande inconnue... Pierre se lance dans l'aventure rempli d'espoir, il équipe le boyau à mesure qu'il se laisse glisser plus bas; pas évident de percer et de fixer des amarrages dans des endroits si confinés!
Parvenu hors de l'étroiture, une jolie descente l'attend, avant de poser un prochain amarrage; le puits déviant légèrement de côté. Marc grelottant en plein courant d'air sur la vire d'accès au boyau, je lui laisse la primeur de suivre en second, un peu de mouvement ne lui fera que du bien, surtout que passé l'étroiture, le courant d'air faiblira automatiquement!

10 minutes après, c'est le tour de Millepattes de s'engager dans l'orifice. Je ne suis pas très à l'aise, et engourdi par le froid, c'est le seul moment de la journée où je me suis dit « mais qu'est-ce que je suis venu foutre dans cette galère?! » En effet, l'étroiture passée, la descente aux enfers est impressionnante, le puits en forme de fissure se prolonge dans les ténèbres, pas moyen d'en apercevoir le fond depuis là!... Je me laisse glisser jusqu'au fractionnement situé dans la paroi en vis à vis. De là, le puits prend des dimensions bien plus imposantes dans une verticale absolue, j'aperçoit tout juste la lueur des lampes de mes collègues tout au fond du trou et me laisse glisser jusqu'à leur niveau. Selon l'altimètre que j'ai embarqué, la hauteur totale du puits approche les 50 mètres!



Au fond, un nouveau départ se profile entre des blocs éboulés. Pierre et Marc équipent ce nouveau départ avec un amarrage en Y, et le solde de la corde est jeté dans un nouveau puits… impressionnant! En effet, pas moyen de savoir si la corde arrive bien jusqu'au fond! Pierre propose à Marc de descendre le premier afin d'avoir l'honneur de découvrir le possible passage tant espéré... Marc, en toute modestie, cède la place au Millepattes qui, ne pouvant apercevoir l'extrémité de la corde, s'enquiert d'abord de savoir si le noeud au bout a été refait! C'est en ordre, assure Marc, il a été effectué avant de lâcher la corde...
C'est ainsi que Millepattes se laisse glisser gentiment pour la première fois en tête de colonne, dans un lieu totalement vierge de toute présence humaine depuis la formation de cette caverne! C'est vrai que l'impression est grandiose, surtout en arrivant dans un tel volume, le puits s'élargissant très vite pour prendre les dimensions d'une salle respectable. En m'approchant tranquillement du sol, je devais avoir pratiquement le même sentiment que Neil Armstrong il y a tout juste 39 ans, quand il descendait les échelons de son LEM...

Dès que j'atteins le sol, je me libère de la corde qui poursuit sa route dans un faux puits se prolongeant dans l'éboulis de la salle, où il ne reste que quelques brassées de notre corde de 100 mètres! Je donne le feu vert à Marc pour la descente et commence l'exploration des lieux en me déplaçant prudemment au dessus de ces énormes bloc; car évidemment, personne auparavant n'est venu tester leur stabilité! Au milieu de la salle, trône un grand bloc à la surface plane et totalement incrustée d'énormes fossiles de divers coquillages marins, sublime! Entre-temps, Marc parvient au bas de la corde, c'est l'occasion de refaire une photo, puis Pierre nous rejoint.



Plein d'espoir, nous nous dispersons dans ce chaos final, chacun cherchant assidûment une suite à cette cathédrale...
Pierre concentre ses recherches au point bas et découvre un passage. Ressaut après ressaut, il descend rapidement, suivi par Millepattes, avide de trouver une suite. Parfois, il est nécessaire de dégager quelques cailloux qui gênent le passage. Finalement, c'est tout de même une quinzaine de mètres qui vont encore s'ajouter. L'altimètre du Millepattes indiquant 920 mètres au bas de la corde, l'altitude indiquée à l'entrée étant de 1055m. Cela fait donc une belle descente d'environ 150 mètres, en tout cas suffisante pour croiser enfin le réseau, nom d'une fée!

Mais hélas, tout au fond sous les éboulis, cela donne sur un colmatage où visiblement l'endroit s'ennoie lors des crues, et plus de courant d'air non plus... Par contre, un peu en dessus, un départ de méandre mouillant se présente dans l'une des parois, et là nous retrouvons une partie du courant d'air. Millepattes rechigne à s'y engager vu que visiblement l'étroiture devient rapidement sévère… Pierre se lance alors dans le boyau et parcours quelques mètres avant de rebrousser chemin; en effet, le méandre se poursuit sous forme d'une fissure impénétrable, sauf pour le courant d'air qui doit bien provenir de quelques galeries au-delà de cet étranglement. Il existe également un faux départ dans la même paroi, mais qui queute direct! Pendant ce temps, Marc est descendu dans le faux puits sous la corde, et n'a pas non plus trouvé de passage valable...

L'heure avançant, nous décidons de nous en tenir là pour aujourd'hui et d'attaquer la remontée. Honneur au Millepattes de se lancer en « tête de cordée ». Cette fois c'est du sérieux, je ne vais plus avoir froid pour le reste de la journée! Heureusement cela se passe pas si mal, le matos semble bien rôdé, les mouvements s'automatisent.
Ayant dégagé le premier puits, je donne le signal à Marc pour qu'il puisse monter à son tour, et j'attaque le grand puits. Parvenu au fractionnement, au deux tiers de la hauteur, l'ascension devient ensuite plus délicate le long d'une paroi recouverte de Mondmilch. En bas, Marc proteste un peu… mais je lui assure ne pas faire exprès de me frotter contre la paroi et lui balancer de cette matière visqueuse qui embeuse si bien nos équipements!

Parvenu en tête de ce grand puits où débute le goulot que l'on vient de débloquer, les choses sérieuses commencent! En effet, s'il est encore facile de se laisser glisser dans une étroiture verticale, la remonter est un autre chapitre! Ne pouvant plier les genoux pour faire progresser le Croll le long de la corde, il faut improviser en gardant un pied dans la pédale et s'aider de l'autre contre les aspérités de la paroi, et faire de même du côté de la poignée, où le mousqueton a tout de même réussi par deux fois à se désassurer en frottant les parois! Puis arrive le fractionnement dans le goulet et enfin, un mètre plus haut, la possibilité de s'asseoir sur le rebord en quittant l'étroiture...

Une pause bienvenue a lieu au bas du P20 où l'on avait établi notre « cuisine » pour la journée, et de là c'est le départ pour la dernière étape. Le Millepattes n'ayant pas encore trouvé les marchepieds pour passer le fractionnement au sommet du puits, c'est avec de nouvelles charognées qu'il s'efforce de le passer… La suite ne présente plus de difficulté et c'est soulagé que je retrouve la douce torpeur de l'été au moment d'émerger en surface!
Une fois tout le monde sur la terrasse de déblais, nous regagnons le parking afin de se changer et regagner nos pénates...



Malheureusement, la jonction n'est toujours pas réalisée à ce jour, mais nous avons découvert deux magnifiques puits, dépassant largement les -101 mètres que nous avions jusqu'ici. Et tout espoir n'est pas perdu de trouver un petit quelque chose quand nous reviendrons terminer la topo...

Une fois de plus, le suspense continue sur « Follatons Aventures »…