Tout d'abord, les 3 compères qui vont dans la grotte, il s'agit de Bertrand, Joël et Pierre. Pas de souci, c'est toujours les même qui vont à la mine ! Se répartissant le matériel afin de s'alléger le plus possible : toute la bouffe dans le même tonneau, loin les appareils photos superflus, etc. Rémy fait ensuite une brève démo du system "U-GPS" pour Underground Global Position System, ainsi que la manière de disposer l'antenne. La veille au soir, à la base de la REGA où l'on a été emprunter le second poste radio, le Millepattes a reçu l'instruction au radio "NICOLA" par les bons soins de Bernard ; il se chargera ainsi d'installer le matos et garantir les communications avec l'équipe de surface. Après 20 ans de carrière comme pompier, il saura se débrouiller avec une liaison radio tout de même !

Les préparatifs terminés, Millepattes descend déjà tranquillement le chemin des Fées afin d'aller ouvrir la porte en s'échauffant tranquillement avant l'effort... Bien vu, car dès la porte déverrouillée, Joël et Pierre déboulent déjà dans la fissure d'accès !

Le carnet de présence est soigneusement rempli avec 08h00 comme heure d'entrée, le transfert peut démarrer direction l'aval de la galerie des Géants !

Après échauffements des coudes dans la Souricière et la montée dans le passage de l'Au-delà, on commence à roter la pizza de la veille, mais on est encore frais, tout va bien. La salle du Miroir des fées et la suite passent comme un boulevard, puis se présente le lac des Fruits défendus, ne pas oublier de fermer la combi (!), le kit sur l'épaule et plouf, au bain !

La fraîcheur de l'eau n'est pas désagréable puisque l'on transpire déjà ! Par contre, au sortir du lac, voilà que les bottes fourrées du Millepattes ont bien pris chacune un kilo supplémentaire !

Nous poursuivons notre bonhomme de chemin d'un bon pas, passons le Chaudron à sec, prenons le Métro (pas encore le M2 !), et testons les genouillères à la galerie des Petits lutins. Passé la salle du Chirocoptère, il est temps d'enfiler la galerie du Joker où nous barbotons joyeusement comme les trois petits canards !

Enfin le puits de l'Ours et la rampe Jeanne d'Arc... c'est là que les choses sérieuses vont commencer ! Dans la rivière Blizzard, les 70 premiers mètres ça joue, c'est encore potable vu que le kit peut être porté sur l'épaule, ne gênant pas trop les mouvements.

Parvenus au panneau 1 km, les choses se corsent ! Le kit commence à crocher, il faut le tenir à bout de bras en marchant à l'égyptienne, ce n'est plus le nirvana... Mais alors quand se présente le célèbre boyau des Pénitents, avec les appareils lourds et rigides dans le kit, ce n'est plus les Fées, c'est la grotte de l'Enfer !!! Bon, inutile de s'énerver, c'est dépenser de l'énergie pour rien ; mais alors, que ça fait du bien de jurer ! Après tout, il n'y a guère que les fées qui auront mal aux oreilles !

Parvenus au méandre Gargantua, qu'il fait bon se relever ! Puis, nous atteignons le début de la galerie des Géants et sa champignonnière... Là, nous faisons un 180 degrés à droite, pour nous hisser sur la pente glaiseuse, menant après un court ramping dans l'aval de la galerie des Géants, lieu du premier contrôle.

Il est à peine 10h00, nous sommes dans les temps. Après une lampée de thé, nous installons notre matos. Joël et Pierre assemblent leur antenne en forme de quadrilatère et Millepattes déroule les siennes (!) sous forme de rubans de parc à vaches, à mettre en contact le mieux possible contre le sol, de part et d'autre de l'émetteur. Dès que cela est fait, essai radio, ça marche : la voix de Jacques résonne dans le haut-parleur, il est droit en dessous de la route cantonale. Une difficulté de réception du signal U-GPS à l'extérieur oblige Joël et Pierre à déplacer leur émetteur de quelques mètres, et cette fois bingo : la surface perçoit le signal et la recherche de position exacte peut commencer...

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Au bout d'une petite demi-heure, le meilleur signal est localisé à environ 80 mètres à la verticale de l'émetteur. La mesure étant terminée, il est temps d'effectuer le repli si l'on veut être à l'heure au prochain rendez-vous ! Une fois le matos embarqué, nous reprenons notre route. Parvenu à la carrière Egyptienne, Pierre s'enfile comme une anguille dans une petite lucarne qui semble bien étroite au Millepattes ! Après avoir passé les kits, le Millepattes s'y engage à son tour, aïe aïe aïe ! Même en expirant à fond, rien à faire ! Nouvel essai, nouvel échec ! C'est alors que Pierre se décide enfin, le crapaud… à signaler un autre passage au dessous des blocs ! Là, pas de problème, même un ours y passerait ! Il y a juste une remontée en fissure un peu glissante derrière, mais ce n'est rien quand ça passe !

Puis, nous remontons la magnifique galerie des Pharaons toute en hauteur et agrémentée d'un fond aquatique. La carrière Kheops se passe plus facilement que la précédente, et nous parvenons dans la salle de la Reine richement concrétionnée. Il s'ensuit la belle galerie Challenger de forme elliptique conduisant sous le bateau du lac Victory, que nous laisserons tranquille puisque nous sommes toujours en combis étanches.

Le lac traversé, nous voilà déjà arrivé à cette magnifique salle du Dôme quasi circulaire, avec son immense cône de terre au sommet duquel trône la tente igloo du bivouac ; ambiance irréelle garantie, on se croirait dans un film de science-fiction !

Tout est équipé ! Le vestiaire c'est en bas à gauche, la cuisine au centre, la salle de bain du côté est, le coin pipi tout en bas svp ! Il y a même un petit lavabo naturel, tout mignon, que les fées doivent avoir installé là pour se laver les dents !

Nous profitons de ce beau campement pour nous restaurer avant de poursuivre en direction de la salle du Col. Nous y laissons également s'égoutter nos combi étanches sur les cordes à linge prévues à cet effet, nous sommes ainsi plus léger pour continuer notre périple au centre de la terre !

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Après avoir traversé la salle Pentue (il y aurait la place pour faire une piste de ski indoor quand le réchauffement climatique aura condamné toute neige à l'extérieur... quoique, si l'on se remémore vendredi saint cette année !...), nous prenons maintenant la galerie des Titans. Le Millepattes n'a malheureusement pas d'éclairage assez puissant pour en éclairer distinctement les contours, mais une chose est sûre, il y a assez de place pour y faire une autoroute à 4 pistes ! Là, sous nos bonnes vieilles forêts du Risoux, depuis l'extérieur c'est tellement difficile de s'imaginer de tels volumes de vide sous nos pieds !

Après ces Champs-Elysées du jura, nous voilà à l'entrée de la galerie Mille-feuilles. Elle porte en effet bien son nom, quand il faut s'enfiler sous ses immenses dalles de 40 centimètres d'épaisseur, complètement détachées du plafond, et qui tiennent là on ne sait trop comment, et c'est peut-être mieux ainsi !!! En tout cas, on est instamment prié de "ne pas leur foutre une bourrée en passant, juste pour voir si ça tient", dixit Joël !

Après le Mille-feuilles, un couloir plus modeste remonte avant rejoindre la méga salle Jurassique, tout aussi impressionnante par le volume excavé quelle représente. Ensuite, la galerie de Noël ne représente pas de difficulté, c'est même amusant de pouvoir y pratiquer de véritables courses à quatre pattes à 3 de front, voire plus, grâce à son fond parfaitement plat en argile molle !

Puis, la salle du Déversoir nous conduit au début de la galerie des Errants qui, comme son nom l'indique, est un véritable labyrinthe du fait que le fond est encombré d'énormes blocs détachés du plafond, qu'il faut soit contourner soit passer dessous. L'espace entre les blocs étant trop élevé pour pouvoir les enjamber par le dessus de la galerie, en effet, ils font dans les dix mètres de haut et un faux pas ne pardonnerait pas !

Arrivés au bout de ce labyrinthe, nous voilà enfin au bas de la salle du Col, il est environ 13h30. Nous passons le dit col entre les deux gros blocs et ressortons le matos de nos sacs. Pierre et Joël grimpent au pied de la coulée de calcite et commencent à l'équiper au tamponnoir, afin d'y poser une corde d'assurage permettant de gravir la paroi. Cela va permettre d'installer l'émetteur U-GPS le plus haut possible, vu la hauteur du plafond à cet endroit...

Pendant ce temps, Millepattes réinstalle son "NICOLA". Il grimpe jusque aux pieds de Joël qui est en train d'assurer Pierre à la corde, et redéploie une des antennes le long de la paroi opposée. Puis il redescend presque au départ de la galerie des Lacs afin de poser la seconde antenne, et ainsi avoir la plus grande distance possible entre les deux.

Un essai d'appel ne donne rien pour l'instant ; peut-être que le café était trop chaud pour l'équipe d'en haut !

Un deuxième essai 20 minutes plus tard le confirme puisque cette fois la réponse est immédiate ! C'est la voix de Murielle qui m'apprend qu'ils sont en pleine fournaise sur un chemin de dalles calcaires, quelque part un peu en dessus de l'entrée des Follatons, en direction de la cabane de la Pisserette.

De mon côté, je lui explique que mes collègues sont là-haut en train d'installer l'émetteur, et que je rappelle dans 20 minutes afin de faire le point.

Un Millepattes ne doit pas laisser refroidir toutes ses pattes… et comme il y a 20 minutes à meubler c'est l'occasion d'aller faire un tour dans cette galerie des Lacs, qui constitue la suite du réseau. Il s'agit d'une assez vaste galerie régulière avec des talus de sédiments de chaque côté et de temps à autre un lac au milieu, mais ça continue encore et encore !!! C'est vrai qu'il y a du boulot et de l'espoir pour de longues années là au fond, pour nous comme pour nos successeurs !

Il est temps de revenir faire un contact radio, et comme l'émetteur est installé, la mesure peut démarrer. Murielle annonce que le signal est détecté à 180 mètres, puis l'affinage commence. Quelques 30 minutes plus tard, la meilleure mesure est de 107 mètres.

Vers 15h30, nous saluons l'équipe extérieure en leur souhaitant un bon retour et nous coupons l'émission des deux appareils. Un nouveau repli s'ensuit, nous buvons un petit quelque chose, et en route pour le bivouac...

Le trajet se passe sans trop de mal, hormis le passage d'une étroiture à remonter dans la galerie des Errants où l'accouchement fut pénible ! Puis le retour se fait tranquillement, sans s'attarder sous la galerie Millefeuilles ! Puis, Joël profite de faire le plein de sa gourde à la fontaine de la galerie des Titans (oui oui… ils ont tout prévu les braves éclaireurs !).

Arrivés au bivouac, nous faisons les 4 heures et renfilons nos combis gla-gla avant de repartir pour le plus dur…

Pas de problème jusqu'a la carrière Egyptienne, le Millepattes commence à bayer tout les 10 pas, c'est signe que la jauge à mazout arrive dans le rouge ! Au passage de la carrière, il se laisse glisser d'office dans le passage inférieur et laisse la joie à Joël de rester pris dans la lucarne ! Ce dernier sera également obligé de battre en retraite et de passer itou dessous !

Le méandre Gargantua se fait plus menaçant au retour d'un si long périple, gare à la chute au fond du canyon, ça ne pardonnerait pas !

Le pire est à venir, le méandre de la rivière Blizzard ! Pierre, bien sûr tout frais en tête avec une bonne longueur d'avance, le Millepattes extenué, coincé dans ce tuyau d'égout (pas par l'odeur mais la couleur du conduit !). Le kit qui ne veut pas avancer, Joël qui n'y peut rien est bloqué dans l'eau glacée par le bouchon qui s'est formé devant lui, et lui fout des crampes aux genoux, bref la totale !!! Quand le Millepattes peut dégager un bout, il se retourne afin d'aider Joël à passer son kit, et c'est ainsi que cahin-caha, les deux parviennent gentiment au bout de l'enfer… Il y a même un endroit où Joël est parvenu à doubler le Millepattes en passant par-dessus ! Donc ne désespérez pas les gars, il y a même depuis ce jour une voie de dépassement dans la Blizzard !...

Au départ du puits de l'Ours, c'est le Millepattes qui passe devant puisque c'est le plus crevé qui doit donner le rythme de la sortie… Ensuite ça va pas trop mal, après avoir déchiré la combi dans la Blizzard, il s'agit de ménager la combi étanche avant quelle n'y passe aussi !

La descente du Métro permet de se dégourdir les jambes, étant enfin debout. Mais le Millepattes titube comme s'il était bourré à la Williamine ! Il passe la souricière sur le dos malgré l'avertissement de Joël, afin de préserver la combi étanche qui n'aurait pas apprécié le contact direct avec les cailloux agressif de ce passage…

La porte est enfin atteinte peu avant 21h00, ce qui nous fait presque 13 heures à crapahuter là-dessous !

La montée au parking est étouffante avec plus de vingt degrés de différence de température ! Joël et Pierre ont assez faim pour aller manger quelque chose à Vallorbe, tandis que le Millepattes, tel un zombie, s'engouffre dans son auto en combi étanche afin d'aller directement enlever tout ça sous la douche, et enfiler des vêtements secs. C'est l'avantage quand on loge sur place !!!

Bref, ce fut une belle expédition, on est crevé, mais... MISSION ACCOMPLIE !

Le Millepattes