J'ai donc défait tous les amarrages au fond du P 30 pour redonner du mou et aussi permettre à Pierre de pouvoir penduler en arrivant en bas, afin d'aller inspecter le puits parallèle côté ouest, que l'on a pas eu le temps d'inspecter en détail le 8 juin, le jour de l'exploration du gouffre.

Je pensais défaire la poupée du solde de corde afin d'amarrer l'extrémité sur les spits à l'entrée de la faille où je me trouve au cas ou... mais voilà que Pierre me demande de jeter la poupée au fond du puits central ! Je m'exécute, après tout c'est lui le chef, il doit savoir ce qu'il fait ! Alors maintenant, toute la corde est de son côté et il commence à se contorsionner afin de forcer la faille ouest et pénétrer dans le puits parallèle.
Après moult efforts et un deséquipement progressif (il ne doit pas lui rester grand-chose comme assurage !), il parvient à se faufiler de l'autre côté... pour constater qu'effectivement le fond est colmaté de caillasses, tout comme le puits central !

Alors il entreprend le retour, mais là, ça ne va pas tout seul ! Il lutte, force, déchire sa combi, rien à faire, une aspérité le bloque au niveau du croll, son poids l'entraîne contre le bas de la fissure qui pince... Et moi, je suis là, pris en otage sur le bord de la lucarne en face, au même niveau mais à 7-8 mètres de lui, avec 10 mètres de vide entre deux !!! Les minutes sont longues, et dire que si je pouvais l'atteindre et de lui soulever les jambes pour qu'il puisse se mettre à l'horizontale afin de se glisser dans le seul minuscule passage possible, cela irait sans mal. Mais voilà, je n'ai plus de corde, même pas la petite bleue de 10 mètres -à dix balles !- (ndlr) que je voulais prendre et qu'il ma dit de laisser dans le coffre de l'auto ; ayant assez de matos à charrier comme ça ! Elle m'aurait au moins permis de descendre au fond du puits central et de m'amarrer sur la grande au fond du trou et de remonter vers lui afin de l'aider à sortir de cette mauvaise posture !

Ah, ces maudits instants ou l'on se regardait comme deux idiots coincés chacun d'un côté de ce foutu canyon ! Combien de fois j'ai regardé au fond afin de chercher une possibilité de descendre en opposition pour récupérer la corde ! Cela aurait été possible sur quelques mètres, mais après ça s'élargit et ça surplombe, donc trop risqué, une glissade à cet endroit ne pardonnerait pas...
En tout cas, Pierre avait plus chaud que moi, depuis le temps qu'il luttait ! Jusqu'à tout d'un coup, ça y est, le bassin a passé et le reste a suivi comme un accouchement ! Il s'est retourné, et d'un bon coup de jambe contre la paroi, m'a rejoint comme Tarzan !...

Là, il a tout de même admis que oui, il aurait dû me laisser l'autre bout de la corde... Enfin, les émotions creusent et nous cassons la croûte. Puis, nous nous attaquons au minage au point le plus bas de la faille où nous sommes. Premier tir, 3 micro-charges : joli ! Sur 1 m2 le sol est descendu de 80 cm… On déblaye et l'on refait un tir de deux charges dans la lame de rocher en dessous. Bon résultat, on redéblaye et un troisième tir permettra de dégager un passage afin de se glisser en dessous d'une grosse lame de roche coincée contre la paroi. Le problème, c'est qu'il n'y a plus qu'un bloc qui soutient cette lame en place, l'exploser risque de faire basculer la lame et tout reboucher...
Donc la décision est prise de s'en tenir là pour aujourd'hui. Le détecteur de CO ne fonctionnant pas à défaut de batteries… il ne nous est pas utile à grand-chose. Heureusement, les gaz remontaient rapidement et de ce fait, il suffisait de redescendre tout de suite au front afin de disposer d'air frais !
La suite de cette désob nécessitant une installation de bidons, câble, poulies et outillage ad hoc est donc remise à plus tard…

Il est temps d'attaquer la remontée, et c'est là, à mi-chemin du P30 et P20 que je m'arrête afin de vérifier un petit départ de puits dont Pierre ma parlé en arrivant en bas. Effectivement, un petit goulot se présente dans le même style que le départ du P20 avant la désob à l'explosif du 24 mai.
Je trouve un caillou afin de le balancer dedans... Waouh ! Ça résonne et ça rebondit vachement là en bas ! J'attends que Pierre me rejoigne et lui redonne de la munition afin qu'il puisse également tester la profondeur… Effectivement, ça rebondit et fait autant de bruit que les pierres que l'on balançait l'autre fois depuis le sommet du P30 ! Donc, le prochain minage, c'est pour ici ! On ressort enfin du trou et l'on s'en va rejoindre nos voitures restées bien plus propres que nous !!! Il est 17h30, alors retour dans nos pénates…

Millepattes