Pourtant, les pluies diluviennes du week-end précédent ne place pas cette journée sous les meilleurs présages ! En effet, il y a 6 jours le débit de l’Orbe affichait un pic de 90 m3/s à la station « Orbe, Le Chalet », ce qui est déjà phénoménal, et qui plus est, d’après Millepattes qui s’est rendu sur place, la Petite grotte aux Fées s'est mise en charge. Le débit à la sortie de cette dernière était certes de faible intensité -les feuilles étaient balayées sur une largeur de 50 centimètres- néanmoins, même un petit débit indique que le réseau des Fées s'est noyé en partie.

Et malgré le beau temps qui a suivit durant la semaine, celui annoncé pour le week-end et le fait qu'actuellement le débit de l'Orbe a retrouvé son cours normal, nous ne voulons pas risquer de nous rendre aux limites du réseau, où immanquablement nous serons bloqués par des lacs ou des siphons. C'est pourquoi, nous allons nous rendre dans un secteur relativement proche, où nous allons côtoyer des galeries semi-actives, c'est-à-dire occupée temporairement lors du passage des crues. C'est le cas notamment de la galerie 13, au départ de la galerie Excalibur, où nous avons décidé aujourd'hui de jeter notre dévolu.

Mais bon, nous savons aussi que l'hydrologie de ce réseau est assez complexe et particulière, alors ma foi : advienne que pourra !

Il est 07h45 lorsque nous pénétrons dans le gouffre des Follatons. Les puits et la galerie du Graal sont franchement détrempés, pas de surprise ! Arrivés à la galerie des Epées, les brosses de nettoyage placées à 7 mètres du sol, ne s'y trouvent plus ! Il y a quelques mois, nous prenions conscience que cette galerie haute d'une dizaine de mètres se noie pendant les crues de printemps, maintenant nous savons que cela peut arriver à n'importe quelle époque de l'année ! Deux des brosses en question seront retrouvées à une cinquantaine de mètres, tandis que la troisième est allé se promener encore cent mètres plus aval !

Après avoir enfilé nos combinaisons étanches, nous pouvons enchaîner la série des lacs de la galerie Vivianne, dont les niveaux sont à leur hauteur habituelle. Là encore nous ne sommes pas surpris, nous savons que les bordures des bassins et autres pertes permettent de stabiliser très rapidement les plans d'eau après une crue. Ici, au sortir du premier bassin, Denis peste contre sa combi étanche…

En enlevant ses bottes, je vois que son étanche est un modèle qui s'arrête aux chevilles, il a simplement ajouté des chaussons Néoprène. Et pensant bien faire pour garder les pieds au sec, il avait enfilé un genre de chaussette PVC par-dessus les chaussons, et le tout passait à l'intérieur de l'étanche, en pensant que la jointure aux chevilles ne laisserait pas passer l'eau ! Alors maintenant on sait qu'il a tout faux… et c'est le moins qu'on puisse dire car il avait parcouru seulement 15 mètres avec de l'eau jusqu'à la taille, et sa combi étanche avait pris l'eau jusqu'à… la taille !

Résultat des courses : exit les chaussettes PVC… et ma foi il restera en partie mouillé pour le reste de la journée !

Plus loin, au lac Titanic, à l'endroit où avec nos embarcations nous devons traverser le courant de la rivière Lanceleau, dont le débit est évalué aujourd'hui à bien plus de 300 litres/seconde, l'ambiance est toujours aussi particulière, pour ne pas dire magistrale !

Après les 400 mètres assez techniques de la galerie Arthur, nous passons le débouché de la galerie Pendragon, puis 30 mètres après nous sommes au départ de la galerie 13. C'est l'objectif du jour, donc finalement l'eau ne nous a pas posé plus de problème que d'habitude.

Découverte voici 3 ans et demi, un certain vendredi 13… la proximité de la galerie Pendragon nous a toujours intrigué, nous pensons d'ailleurs que les 2 galeries doivent communiquer. En effet, en 2011 l'exploration de la galerie Pendragon a permis de découvrir 220 mètres à l'ouest, et c'est justement la direction que prend la galerie 13 à ses débuts. Le suspens va bientôt prendre fin, d'ici quelques heures nous seront fixés.

Il est maintenant 10h45, déjà 3 heures se sont écoulées. Après que Denis ait essoré comme il pouvait sa sous combi… nous mangeons un peu, puis sans perdre plus de temps -il faut préciser que galerie qui s'annonce devant nous est agréable, environ 3 x 5 mètres- nous attaquons simultanément l'exploration et la topographie.

Après une quinzaine de mètre nous franchissons une zone de grands gours, dont la présence de glaise souille… quelque peu la beauté. Heureusement cela ne dure que quelques dizaines de mètres, car au détour d'un brusque changement de direction il s'ensuit une série de grands bassins propres, qui s'évitent aisément sur les côtés.

Un peu plus loin, après avoir parcouru une centaine de mètres, c'est toujours aussi sympathique car les dimensions n'ont pas changé. Bientôt, un bruit sourd et important sollicite notre curiosité. Sans aucun doute nous nous attendons à recouper la rivière Lanceleau, car nous savons bien qu'elle suit en parallèle nos grandes galeries en jouant à cache-cache à un niveau inférieur, composé des petits conduits étroits et souvent impénétrables à cause du débit important, mais aussi par la présence de siphons.
Après quelques allers-venues pour rejoindre le vrombissement, nous obtiendrons finalement de Lanceleau que son bavardage retentissant et tapageur !

En effet, la galerie franchit une sorte de décrochement d'une douzaine de mètres formé au dépend d'une faille, où sur toute la longueur une longue fissure verticale, étroite et impénétrable déchire le sol. En fait, la rivière Lanceleau passe exactement ici mais une dizaine de mètres en contrebas, alors c'est sûr qu'il sera impossible d'y aller boire une tasse…

Après une nouvelle pause pour requinquer nos estomacs, nous avons hâte d'en savoir un peu plus sur la suite de notre galerie 13, un chiffre qui a l'air de nous porter chance aujourd'hui ! Plus loin, au cours d'un rectiligne d'une cinquantaine de mètres, le décor devient magnifique. De par et d'autre, de belles coulées de couleur ocre contrastent étrangement sur les parois foncées, et le sol est reluisant de propreté.

Bientôt, Denis me demande d'aller voir au-delà du virage suivant. A voir sa mine souriante, j'imagine bien qu'une bonne nouvelle m'attend… Je le rejoins dès lors et là, effectivement, le spectacle est saisissant.

Devant nous surgit une belle rivière d'environ 1 litre/seconde. Très chargée en carbonate de calcium, le ruisseau, provenant d'une succession de grands bassins aux eaux limpides, a déposé un peu partout sur son passage son dépôt de calcite clair, c'est somptueux. Cette rivière s'échappe par une ouverture latérale, et poursuit son chemin dans une petite galerie d'environ 0,5 x 1,5 mètre plongeant à 45 degrés.
Visible sur une dizaine de mètres, ce chemin va probablement nous conduire à la rivière Lanceleau, mais nous préférons laisser cela pour une autre occasion. Après avoir marqué le carrefour d'un petit point à la peinture, nous poursuivons notre belle galerie qui s'est légèrement amoindrie, environ 2 x 4 mètres.

Depuis un moment, un mal de tête me sape inévitablement le moral. Ceci est d'autant plus gênant car le dessin de cette galerie exige pas mal de concentration ; avec 25 virages répartis sur 200 mètres, on peut vraiment dire que ça tourne dans tous les sens ! Et comme Denis n'est pas suffisamment à l'aise pour reprendre les commandes de la topo avec le tandem PDA et DistoX, alors finalement nous décidons de nous arrêter là pour aujourd'hui. De toute façon il est 17h30, donc le temps de plier et ressortir, pour une fois ce sera de bonne heure !...

La direction générale de la galerie 13 file plein nord, ce qui contredit une fois de plus nos prédictions, donc apparemment la galerie Pendragon n'a aucune relation avec elle. C'est finalement une bonne nouvelle, cela étend un peu plus les possibilités dans ce secteur.

Sur le chemin du retour rien de particulier à signaler, si ce n'est qu'au débouché de la galerie du Graal nous trouvons un grand morceau de tissu réfléchissant, posé délicatement sur un rocher. C'est sûr qu'il n'était pas là ce matin, et comme il est maintenant 19h30 nous trouvons assez bizarre que des gens visitent encore la cavité à cette heure. 40 mètres plus loin, un autre morceau est posé à un petit carrefour sans intérêt.
Maintenant c'est sûr, une équipe de touristes a passé par là et a jalonné chaque croisement ! A la sortie, en relevant le journal de présence nous comprenons qu'il s'agit d'un groupe de 3 n'appartenant pas à un club de la SSS. Ils sont d'ailleurs encore dans le trou puisqu'ils sont entrés à 16h30…

Il est 21h00 au moment de sortir du gouffre, et avec 197 mètres de nouvelles galerie le développement passe à 17'923 mètres. Maintenant les Fées doivent trembler, la barre des 18 kilomètres est presque atteinte !...