Comme nous avions prévu de nous rendre dans le secteur de Pendragon, une zone très sensible question crue, nous n’avons pas d’autres choix si nous ne voulons pas prendre de risque, que de passer au plan B, soit la galerie des Seconds, entrevue lors de la dernière sortie.

Les puits sont passablement humides, il en est de même pour la galerie du Graal qui comporte beaucoup de petits lacs, et notamment dans la première partie, ce qui est peu courant. Probablement que les dernières pluies ont copieusement aspergé la région, c’est peut-être finalement une bonne chose de ne pas nous aventurer aujourd’hui dans les parties semi actives.

La suite du parcours ne pose pas de problème, nous arrivons bientôt au milieu de la galerie des Seconds, où nous posons une petite corde à nœuds dans une remontée assez glissante de 3 mètres. Un peu plus loin, nous sommes à destination au terminus actuel de l’exploration, soit au départ d’un laminoir de 4 x 0,9 mètre. Après un petit lunch, nous décidons de faire une reconnaissance, nous aurons ainsi une bonne vue d’ensemble pour la répartition du travail puisque nous allons faire 2 groupes topo ; nous disposons de 2 PDA avec DistoX.

C’est maintenant le meilleur moment de la journée, nous allons goûter aux joies et mystères de la découverte, où tout peut devenir possible. C’est donc les esprits imprégnés de merveilles et autres palais féériques que, avec Ludo en tête, nous démarrons la grande aventure…

Après quelques mètres à quatre pattes, nous déchantons déjà au premier virage puisque le plafond, déjà pas bien haut, s’abaisse encore… Et la largeur n’est pas non plus en reste : il y a peu elle faisait 4 mètres et maintenant à peine un mètre ! Bref, les rêves merveilleux font place à quelques grognements, plus guère le choix que de progresser en rampant, dans un petit conduit heureusement pas trop sale, mais pas vraiment propre non plus !

Après une cinquantaine de mètres dans des conditions peu appréciables, une petite étroiture est franchie au niveau d’un brusque coude à droite. Là, nous débouchons enfin dans quelque chose d’un peu plus grand, une sorte de grand laminoir d’environ 8 x 1 mètre. De quoi redonner un peu d’espoir à nos rêves délaissés, cependant, d’un côté c’est immédiatement obstrué, et de l’autre, on voit bien que les dimensions vont se réduire rapidement, ce qui impliquera de retrouver la position horizontale, idéale pour faire une petite sieste, mais pas vraiment pour la suite de l’exploration !...

Néanmoins, au pied de la paroi opposée où nous sommes arrivés, le sol est flanqué d’une grande crevasse d’environ 2 mètres de longueur. Il s’agit d’un regard sur un méandre inférieur assez conséquent, puisqu’il est haut d’une dizaine de mètres. Denis commence alors une désescalade entre des parois relativement glissantes, et parvient sans peine à la base du méandre. Comme la largeur est plus agréable à ce niveau, et que cela continue de part et d’autre, avec Ludo nous le rejoignons aussitôt.

A l’aval, nous pouvons suivre le méandre qui zigzague sur une vingtaine de mètres. Là, un petit bassin au fond du méandre forme un siphon impénétrable, tout comme l’est le petit prolongement qui se distingue derrière une coulée stalagmitique.

A l’amont, le méandre redescend, pour aboutir après une vingtaine de mètres sur un bassin, dont l’extrémité cache une petite lucarne permettant de remonter vers un bel élargissement, avec quelques regards sur un petit conduit inférieur. La suite ne porte pas malheureusement pas ses fruits, car après le passage d’une diaclase transversale, un petit siphon met un terme définitif à ce déplacement amont d’une cinquantaine de mètres.

Il est temps maintenant de songer à la topographie, pour cela nous retournons à notre point de départ. Dans la répartition des tâches, je vais m’occuper de l’axe principal, tandis que Denis et Ludo vont faire les mesures du méandre. Et, cerise sur le gâteau, le premier qui aura terminé aura le plaisir de poursuivre le laminoir final…

En ce qui me concerne, après la théorie et de nombreux exercices d’entraînement, c’est une première aujourd’hui avec la topographie sur PDA + DistoX. Pour les néophytes spéléos geeks (!), précisons que les mesures de distance, d’azimut et de pente sont effectuées simultanément par le DistoX, un appareil à visée laser, et sont transmises par Bluetooth sur un mini ordinateur (PDA). Un petit programme interprète alors les données et les affiches sous forme d’un tracé filaire à l’échelle, pour un dessin en plan et en coupe. Dès lors, à l’aide d’un stylet, il ne nous reste plus qu’à nous occuper de l’habillage, afin d’ajouter le contour des galeries, mais aussi la nature du sol ou des détails comme les courbes de niveau, les blocs, bassins, concrétions, etc.

Avec cette technique, pas vraiment nouvelle puisque présentée lors congrès européen de spéléologie en 2008, on peut vraiment parler de révolution par rapport à la méthode papier-crayon. On gagne surtout en rapidité, facilité et précision. Toutefois, comme toute chose cela demande un bon apprentissage et une certaine rigueur dans le travail, car il y a tout une coordination et un protocole à respecter.

En effet, pour chaque point topo il y a en moyenne une dizaine de mesures à effectuer dans un ordre précis, ce qui représente une trentaine de données qui entrent à chaque station dans le programme du PDA. Alors c’est clair que s’il y a un décalage ou des erreurs qui s’intercalent quelque part, cela peut facilement tout compromettre, et ce sera difficile de corriger la bourde.

Toutefois, les principes d’utilisation ne sont pas si compliqués que cela, il faut juste une bonne attention et un peu de soin à ce que l’on fait. Et à partir de là, et spécialement quand on a l’habitude de travailler au papier-crayon, quelle bonheur avec ces appareils, notamment le plaisir de voir apparaître instantanément à l’écran le tracé de nos mesures, c’est tout bonnement magique…

D’un autre côté, il faut savoir que ce genre d’outils ne se traite pas avec le même égard que nos vulgaires plaques topo en aluminium ! En effet, j’en ai fait l’amère expérience après un peu plus d’une heure d’utilisation…

Quoi ?... Vous voulez connaître la petite histoire ?... Bon d’accord !...

A un moment donné, en me déplaçant à quatre pattes, mon PDA retenu autour du cou par une petite sangle, est sorti de ma combinaison alors entre-ouverte. N’ayant rien remarqué, j’ai continué sans autre, et du coup j’ai posé mon genou bien glaiseux sur… le précieux PDA !!!... #!&$%#£¢|$!?...

Comme il était protégé par une housse étanche, l’argile qui le recouvrait n’était pas inquiétante ; quelques coups de langue lui ont vite redonné un aspect décent et convenable. Le problème était ailleurs, puisque en fait, suite au piétinement, l’appareil ne donnait plus aucun signe… de vie ! Malgré une réanimation de fortune, consistant à tripoter tous les boutons possibles… rien n’y changeait, il était vraiment… mort !

Alors que faire ?

Dans ce genre de moment, on commence par regretter notre bonne vieille plaque topo, puis on pense à calmer nos nerfs en envoyant valser le fichu machin contre une paroi… (bon là j’exagère un peu, mais c’est presque ça !)

En désespoir de cause, j’ai alors sorti l’appareil de sa housse étanche, puis après une nouvelle séance de réanimation sans résultat… j’ai enlevé et remis la batterie. Et là, Ô miracle, le précieux a redémarré.

Pfff… je pensais alors être tiré d’affaire, sauf que, comme je n’avais pas encore enregistré le fichier, il ne restait… que dalle, de tout mon boulot !!!... #!&$%#£¢|$!?...

Ma foi, d’aucuns diront que c’est le métier qui rentre, c’est vrai que c’était une erreur monumentale de débutant ! Alors pour la suite des opérations, plus guère le choix que de faire un retour à la case départ (sans toucher la prime !), et tout recommencer.

Après ce contretemps pour le moins agaçant, il est bien clair que le duo genevois m’a rejoint bien avant que je termine mon secteur. Donc de leur côté, après la topographie du méandre qui n’a pas vraiment donné beaucoup mieux que ce que nous avions reconnu tous ensemble, ils ont ensuite poursuivi le laminoir terminal. En rampant, ils ont progressé d’une vingtaine de mètres, et après avoir désobstrué pour forcer le passage, le conduit est rapidement devenu impénétrable quelques mètres plus loin.

Pour le trio du jour, nous considérons cette galerie des Seconds comme liquidée. Et c’est tant mieux, car on ne peut pas vraiment dire que nous avons été gâtés par les Fées aujourd'hui. C’est le deal propre à l’exploration : parfois c’est grandiose, parfois exécrable. Ici, il faudra juste revenir un jour afin de poursuivre la galerie qui se détache vers le début, au niveau de la grande plateforme de calcite (cf. sortie précédente).

Pour l’heure, il est temps de prendre la direction de la sortie. Nous gardons à l’esprit que la pluie était attendue en soirée, alors dans le doute mieux vaut ne pas trop traîner dans le réseau. Après la galerie des Lacs, nous inspectons encore le secteur des Errants, jouxtant avec la salle du Col, car pour Ludo et Denis il semble qu’un prolongement pourrait exister quelque part sous les blocs. Après examen de la zone, rien n’est découvert, hormis un petit shunt de quelques mètres sans intérêt.

Il est presque 21h00 lorsque nous sortons de la cavité, et avec 187 mètres de relevés avec les nouveaux compagnons électroniques… le développement du réseau passe maintenant à 17’726 mètres.