A peine commencé à s'habiller, voilà qu’une voiture arrive avec trois occupants : Claude-Alain, Sébastien et Pierre. Le quatuor est dès lors complet, l'expédition peut démarrer.

Selon l’info reçue 2 jours plus tôt, l'opération du jour va se situer du côté de la galerie Secrète, le premier départ sur la droite en remontant la galerie des Lacs.

Cette galerie intéresse le Millepattes, étant l'une des plus proche à topographier depuis les Follatons (tout de même un bon kilomètre avec quelques passages "intéressants").

Une fois le quatuor au bord du trou et le nouveau carnet de présence rempli, la descente des 5 puits en enfilade ne fut qu'une formalité, puisque après seulement 30 minutes, les 4 compères se retrouvent réunis 155 mètres plus bas pour se déséquiper du matériel vertical ! Gageons que, ce soir, la remontée n'en sera que plus laborieuse !

La suite, dans la galerie du Graal, n'en porte plus que le nom, car cet endroit devient toujours plus abject ! En effet, nos passages répétés dans le fond glaiseux ont contribué à rendre celui-ci étanche à toute infiltration d'eau dans le sol, ce qui fait que la boue en a fait son royaume sur bientôt toute la longueur... Je ne vous décris pas l'état de l'équipée au débouché dans le méandre Pinpin ! Le détour à la galerie des Epées pour un brin de toilette n'est plus un luxe, mais une nécessité !

Une fois notre splendeur retrouvée, nous mettons le cap direction Pinpin, Merlin, les Errants, puis la salle du Col, avant de redescendre de l'autre côté afin d'enfiler la longue galerie des lacs, qui est quasiment un boulevard de 800 mètres...

Nous nous arrêterons avant d'avoir parcouru cette distance, soit à l'embranchement de la galerie Secrète, afin d'examiner le départ.

C'est à cet endroit que la discussion peut démarrer : Qui fait quoi ? Car nous sommes 4 et avons ainsi la chance de pouvoir faire deux équipes topo, comme ce ne sont pas les galeries latérales qui manquent dans le secteur, nous avons l'embarras du choix !

Seb ne semblant pas autrement motivé, Pierre propose alors de pousser jusqu'à la suivante, soit la galerie Clochette, afin de comparer et de choisir celle qui lui convient le mieux, car n'oublions pas que Seb et Millepattes ne sont encore que des "Padawans-topos" et dans ce cas, il vaut mieux s'attaquer à du pas trop conséquent, si l'on veut en maîtriser les difficultés sans faire de la "gogne" !

Finalement, le choix de "Sébo-le-dessin" se porte sur le 2ème départ, soit Clochette, qui semble assez restreinte et régulière de profil, du moins dans ce que l'on distingue au départ.

Claudal et Pierre, quant à eux, se déplacent jusqu'au 3ème départ, soit la galerie Mélusine, afin de continuer l'exploration et le relevé de cette dernière. Dans ce conduit de 9 x 2 mètres en moyenne, le concrétionnement est très important.




Après une douzaine de mètres, il s’estompe malheureusement, en revanche la galerie conserve ses dimensions. Plus loin, un petit carrefour permet d’explorer un petit diverticule sans intérêt, puis le duo reprend son travail topographique dans le cours principal de la galerie.


Bientôt, le plafond ne tarde pas à s’abaisser, ce qui oblige à passer à quatre pattes. La largeur s’est également amoindrie, mais reste honnête, tout de même 7 mètres !
Le sol est occupé par de la calcite, les concrétions refont surface, et le tout joliment agrémenté de petits bassins, bref, sympathique comme endroit !


Ils débouchent alors à la base d’une cheminée de 17,5 mètres, dont la particularité est que les parois sont entièrement recouvertes de calcite, du plus bel effet. Le tiers de la surface du sol est occupé par une grande pendeloque appuyée obliquement contre une paroi, elle semble s’être effondrée de la cheminée.

En face, il faut repartir à quatre pattes pour la suite de la galerie, mais pas pour longtemps, car après quelques mètres, ils peuvent à nouveau se redresser dans une seconde cheminée, bien plus importante que la précédente, accusant une hauteur de 32 mètres. Il y a pas mal d’eau provenant du haut, c’est la douche perpétuelle !

Ici, Pierre se rend immédiatement compte qu’il se trouve en terrain familier, notamment par la présence d’un gros mamelon de calcite, dont la partie supérieure est parfaitement lisse et sphérique.

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Pas de doute, ils viennent de jonctionner avec la petite galerie filant au nord-est de la salle Eurêka, un volume que l’on traverse sur le parcours de la galerie des Lucioles.

Avec un peu moins d’une centaine de mètres dans cette galerie Mélusine, l’aventure fût de courte durée, mais offre toutefois une jonction inattendue. Par ailleurs, et d’un point de vue plutôt pratique et objectif, on peut aussi dire qu'elle a permis de liquider 2 galeries pour le prix d’une !...


Pendant ce temps, Sébastien s’est changé afin d'être au sec pour travailler, le travail de relevé peut commencer !

Le plancher de la galerie Clochette n'est, de loin, pas très accueillant; en effet, il est très découpé, dans le même genre que la galerie des épées, mais en taille beaucoup plus réduite, ce qui fait qu'il n'est pas possible de se tenir debout et c'est à 4 pattes que l'on doit se mouvoir ; gare aux déchirures sur ces lames acérées !

Après la 1ère visée, la galerie dévie légèrement sur la droite, tout en conservant la même morphologie, puis repart légèrement à gauche et ainsi de suite... C'est en tout cas l'impression visuelle que l'on a en progressant ; mais sur la vue en plan, l'on constatera, qu'en fait, la sinuosité est très légère. La pente suit le même chemin, soit toujours légèrement descendante.

Après plus d'une heure de relevé, le Millepattes commence à trouver ce boyau un peu lassant et se demande si son dessinateur de service a fait le bon choix ! Mais s‘il savait...

Au détour d'un énième léger virage, une coulée de calcite apparaît au beau milieu du chenal, mais laisse amplement la place pour passer sur le côté, puis, juste derrière, une petite salle ornée d'une belle coulée stalagmitique au bas de laquelle trône un petit lac, dévie le parcours à angle droit sur la gauche, où de gros blocs garnissent le centre.

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Après quelques mètres, nouveau virage à angle droit, mais vers la droite cette fois ! Ici, de nouveau, de gros blocs détachés, encombrent un peu le passage et font se demander au Millepattes si l'on ne va pas bientôt se trouver à l'orée d'une queue de poisson impénétrable qui nous donnerait : "Une galerie de plus en moins", selon les termes utilisés au sein du groupe, pour se consoler lorsqu'une galerie "queute" ! Mais s‘il savait...

Les quelques obstacles franchis, le myriapode accroche une pastille réfléchissante au plafond pour la prochaine visée et se penche pour chercher au-delà, la prochaine aspérité qui se prêterait le mieux au prochain point. La galerie, quoique toujours basse, semble s'élargir et un gros bloc s'impose au milieu à une dizaine de mètres droit devant.

- Super endroit pour la prochaine pastille ! se dit le Millepattes, qui s'embarque résolument marquer ce prochain point.

Mais, en approchant ce bloc, une résonance apparaît; bizarre dans une petite galerie se dit le myriapode, ne s'étant encore pas rendu compte que sur sa gauche, la paroi avait disparu et que le plafond s'est brusquement relevé au point que dès lors l'on peut enfin se tenir debout sans problème. Et de plus, un bruit d'eau tombante se fait entendre !

Mince alors ! Sur la gauche, une vaste galerie amont apparaît, presque parallèle à celle par laquelle je viens de déboucher, tandis que tout droit en avant, cette grande galerie continue et semble se diviser plus loin, alors qu'au sol, de nombreuses pertes sont axées sur une faille et il faut se garder d'y glisser !

Pour un Millepattes tout neuf dans le métier, mais malheureusement un peu moins dans la jeunesse physique, cela fait un choc de déboucher en avant-première dans un tel endroit !...

Mais je n'étais pas au bout de mes surprises ! Alors que faire ? Retourner en arrière dire à mon coéquipier ce qui l'attend quelques mètres en avant ? Il risque de plaquer sa planche à dessin afin de voir la surprise ! Faire le tour de cette salle afin d'assimiler un peu le genre d'endroit et savoir la suite à tenir pour la topo qui du coup va se compliquer de quelques bons crans ? Pas sympa pour Seb qui a droit aussi à partager la découverte !

Finalement, je coupe la poire en deux. Promis juré, je ne fais pas un pas de plus en aval, mais je fais quelques mètres en amont, afin d'éclaircir cette histoire d'eau !

Je remonte ainsi une vingtaine de mètres dans le collecteur amont pour savoir d'où vient ce bruit de cascade...

La galerie bifurque légèrement à droite et, stupéfaction, j'arrive au bord d'un abîme où de l'eau, tombant d'une énorme cheminée circulaire, s'abat dans un puits pour disparaître un étage en dessous, tandis que la grande galerie, elle, poursuit son chemin au-delà du puits.

Bon, fini la séquence émotion, il est temps de rejoindre mon "gratte-papier" qui doit se demander dans quelles "oubliettes" ce foutu Millepattes a encore été se cacher !

Retrouvant ainsi mon collègue en train de finaliser le dessin du dernier tronçon de Clochette, je lui glisse à l'oreille, mine de rien :

- Ça va ce boulot ? Pas trop compliqué ?
- Non, ça va, je m'en sors, le métier rentre gentiment !
- Alors, tant mieux, car du boulot, tu va en avoir, crois moi !
- Que veux-tu dire ? Tu as trouvé du spécial ?
- Pas seulement ! Mais il y a le reste !
- ???
- Prends la dernière visée et viens voir la suite, sinon tu vas pas t'en sortir !
- !!!


C'est ainsi que la dernière visée prise, puis Seb m'accompagne à l'entrée du carrefour.

- Oh !... Put... !...

Avec le puissant éclairage de Seb, les lieux prennent toute leur dimension, nous nous rendons au bord du puits dégoulinant, et même Seb peine à voir le haut de la cheminée, à cause du puits sous-jacent qui l'empêche d'éclairer le toit de la cheminée !

Effectivement, là, on a pas fini la journée et en retournant au dernier point topo, que se passe-t-il ? Voici qu’arrivent nos deux autres collègues, sortis de nulle part !

- Alors, ça va les gars ? demande Pierre
- Mais d’où êtes-vous arrivés ? fait le Millepattes en guise de réponse !
- On a suivi vos traces !

Ok, donc ils ne sont pas arrivés par une autre galerie, c'est déjà ça, se dit le Millepattes.

Dès lors, un nouvel état des lieux s'impose, mais à quatre cette fois. Pierre prend ensuite les devant pour une petite virée côté aval, pensant jonctionner avec la galerie Secrète. Mais apparemment ce n'est peut-être pas le cas, et tout le monde se retrouve au carrefour afin de finaliser la topo de l'endroit et marquer les départs pour la prochaine expédition.

En fait, il semble que 5, voire même 6 galeries convergent à cet endroit, et pas des moindres, croyez-moi ! Donc pas de risque de chômage au pays des Fées !

Ici, l'expérience de Pierre nous est précieuse pour la procédure à suivre pour la topo d'un tel endroit, et il nous sort, derechef, un magnifique croquis où rien ne manque !

Le relevé des lieux étant achevé, il nous faut maintenant songer au long chemin du retour, non sans avoir repris quelques forces du fond de nos kits avant de s'embarquer en direction des Follatons.

Seb semble fatigué de cette dure journée; en effet, au moment de quitter les lieux, le voilà qui se dirige à nouveau en direction de Clochette, à croire qu'elle lui fait de l'œil !

Nous ferons donc 2 équipes pour le retour, Seb et le Millepattes en tête, Claudal et Pierre fermant la marche. Mais pas pour longtemps, puisqu’en arrivant au terminal, le duo arrière reprend les devants, suite à une petite errance de l'ami Seb dans la galerie des… Errants !

Le Millepattes commençant à accuser le poids des heures dans ce frigidaire titanesque, commence à être à la peine et laisse le duo de choc prendre les devants. En effet, pour lui, ce n'est plus l'heure de la sortie qui compte dès lors, mais simplement de parvenir en haut des puits !!!

Malgré cette maudite galerie du Graal, nous retrouvons l'équipe de tête au bas du puits de la Peur, s'équipant pour la remontée, mais c'est le dernier endroit où Seb et moi-même les apercevrons avant de redescendre à Vallorbe ! Et pour cause…

Selon Seb, ce sont de vrais "furieux" (!) qui remontent le longs des parois, que la fatigue ne nous motive plus de tenter de suivre le rythme !

Le Millepattes ayant voulu tenter le confort de pédales en dural, a vite déchanté et rééquipé son système mono pédale d'origine en nylon ! En effet, les bottes glissaient continuellement des pédales en dur et plus moyen de pincer la corde entre les pieds pour faciliter le glissement du croll !

Heureusement que, méfiant de nature, il avait embarqué le joker dans son kit !

Les 3 premiers puits se passent encore relativement bien, mais au débouché du goulet des Aveugles, commence alors la Bérézina pour le Millepattes, crevé, usé, au point qu'il a mis un temps record pour atteindre le bunker de sortie où, bien sûr, il n'y avait plus âme qui vive !

N'étant plus à 5 minutes près, la souche de notre beau et défunt sapin, bûcheronné l’an passé, devient alors un banc confortable pour le myriapode qui savoure ses derniers décilitres de thé, pour se remettre de tant d’efforts !

Puis, c'est la descente directe à travers la forêt, devenue une vraie jungle de Bornéo, que le Millepattes rejoint la route du Crêt Cantin pour redescendre au parc, titubant comme un zombie et encrotté tel un sanglier sortant de sa bauge, qu'il rejoint Seb, déjà rechangé, prêt au départ !

Une fois "dégreubé", c'est l'embarquement direction la pizzeria, où Cad et Pierre nous attendaient depuis plus d'une heure ! Quand je vous dis que ce n'est pas un "métier" facile !

Mais à l'heure ou j'écris ces lignes, je ne pense qu'à une chose :

Retourner au front !

Vraiment, pas besoin de substances illicites pour être "drogué"…

Le Millepattes