Selon l’enneigement et la douceur printanière, cette pause dure environ 3 mois, c’est donc à partir du mois de juin que les Fées sortent de leur sommeil, réveillées par le ballet de spéléologues reposés et bien disposés à percer de nouveaux mystères.

Pourtant, le mois de juillet touchant maintenant à sa fin, nos amies ensorceleuses dorment toujours aussi profondément…

Il semble donc que quelque chose ne tourne pas rond du côté de Vallorbe, mais quoi ?

Pour une fois, les conditions météo ne sont pas pointées du doigt, c’est même tout le contraire puisque une vague de sécheresse sévit depuis 2 mois, offrant des conditions optimales dans n’importe que secteur de la cavité. Alors, si la météo ou la grotte ne sont pas en cause, que se passe-t-il dans l’équipe d’exploration ? Les spéléologues ont-ils attrapé le Staphylococcus cavernus ou peut-être la grippe des profondeurs !?...

Oh que non !

Tout simplement, il s’avère que des circonstances aussi bien personnelles que professionnelles ont empêché de synchroniser les bonnes dates entre les intéressés, la vie ne se limite pas à la spéléo ! Et de toute façon, quand l’on pense que depuis des millénaires certains lieux attendent d’être connus, que ce soit maintenant, dans un mois, un an ou un siècle, quelle importance ?

Aujourd’hui, Claudal et votre serviteur sont à bottes d’œuvre, c’est même avec un plaisir certain et patiemment attendu que le duo emprunte le chemin des écoliers, conduisant à l’entrée de la Baume des Follatons.

Les puits sont avalés avec le même appétit, même qu’il s’agit d’un buffet froid !... L’objectif du jour n’a pas été clairement défini, cependant, après quelques mois d’inactivité souterraine, nous désirons rester assez proche en distance de l’entrée, c’est pourquoi nous allons dans le secteur des galeries Arthur ou Excalibur, la branche filant au nord-est du réseau. Il y a pas mal à s’occuper dans cette partie, d’autant que cela fait une année que nous n’y sommes pas revenus, faisons un pierre deux coups !

Dans la galerie du Graal, nous sommes surpris de constater la présence de nombreux bassins, alors que les puits ou même la rivière Changelin étaient presque taris. Plus loin, dans la galerie Viviane Dame-des-Lacs, les niveaux d’eau sont aussi plus bas que la moyenne, ils diminuent même à mesure que nous avançons. Le dernier lac de la série est 80 centimètres en dessous du niveau moyen, ce qui nous oblige à rester aux aguets pour éviter la crevaison de nos frêles embarcations, nos fameuses chambres à air de camion.
Au dernier embarquement, Claudal se vautrera majestueusement, sous le regard très amusé de son coéquipier, avec à la clé une belle immersion complète ; heureusement que nous sommes équipés de combinaisons étanches.

Plus loin, au début de la galerie Arthur, c’est par 2 fois qu’il renouvellera l’exploit, mais cette fois c’est en progressant sur des prises immergées. Décidément, serait-ce quelques mois de repos qui le rendent si gauche ? Il faut dire que cette galerie Arthur, longue d’environ 400 mètres, est assez particulière pour le réseau des Fées. En effet, malgré une section confortable de 2 x 3 mètres en moyenne, nous progressons généralement en opposition, principalement dans la partie supérieure, où c’est plus large. Cela demande une concentration permanente, car dans le meilleur des cas nous avançons au-dessus de l’eau, sinon, et cela concerne la majeure partie du parcours, nous évoluons à plus de 2 mètres du sol ou au-dessus de lames de rochers menaçants.
Nous savons aussi que cette galerie est une sortie d’étranglement par rapport aux gros volumes qui la précède, il ne vaut mieux pas s’y trouver en cas d’orage ! D’ailleurs, par endroits proche du plafond, nous pouvons observer des résidus de mousse qui subsistent depuis la dernière crue, ce qui renforce le sentiment d’inquiétude...

Au terme, nous accédons à une galerie plus agréable, la bien nommée Excalibur, un collecteur temporaire à la fois imposant de par son gabarit de 4 x 7 mètres, et sinistre de par ses sombres parois. Ici, la motivation est toujours bonne, donc nous délaissons les galeries Pendragon et 13 encore inexplorées, pour gagner le terminus principal à 400 mètres de là. En chemin, nous profitons pour topographier un méandre reconnu lors de la dernière sortie.

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Après 90 mètres, celui-ci conduit sur un puits de 3 mètres, permettant d’accéder à un étage inférieur où coule une belle rivière, qui n’est autre que Lanceleau, croisé brièvement voilà un kilomètre.

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Cette rencontre fortuite marque l’orée d’un nouveau réseau de petites galeries actives et fossiles, mais nous n’en saurons pas plus puisque nous décidons d’en rester là. Ce qui nous importe, c’est d’avoir topographié ce qui a été reconnu jusqu’ici, alors gardons quelques petits mystères aquatiques pour une prochaine occasion !

Revenus dans Excalibur, nous effectuons la pause repas, puis nous rejoignons le front d’exploration, distant de 300 mètres. Le parcours dans cette grande galerie ne comporte pas de difficulté, si ce n’est qu’il faut rester très attentif où l’on pose nos bottes, le sol est souvent glissant, occupé par une fine couche de sédiments argileux. Nous arrivons maintenant à destination, nous allons enfin entrer dans le vif du sujet, l’aventure avec un grand A.
Là, une zone de bassin s’était présentée la dernière fois, c’était alors une excuse comme une autre de stopper notre élan. Aujourd’hui, il y a beaucoup moins d’eau, mais de toute façon ce n’est pas un problème puisque nous sommes toujours équipés de nos combinaisons étanches, dont nous avons juste pris soin de retrousser le haut ; cela fait un kilomètre que nous avons pris le dernier bain !

Devant nous, la galerie file toujours aussi noblement avec ses dimensions confortables. Au sol, de brèves margelles séparent les bassins, qu’on pourrait vulgairement appeler gours, si les bordures avaient été dures comme de la calcite. Malheureusement ce n’est pas le cas, elles s’abîment en y prenant appui, donc pour limiter les dégâts nous essayons de progresser plutôt sur les parois latérales, en s’aidant de prises naturelles.
Nous passons ensuite devant 2 méduses, des formations imposantes de plusieurs mètres de haut et autant de large, déployant, à la manière des robes à arceaux d’antan, leur magnifique étoffe de calcite blanche, un contraste saisissant dans un environnement plutôt austère.

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Les lacs s’estompent, la galerie plonge brusquement sur un énième grand carrefour encombré de gros blocs.



De prime abord, nous pensons avoir recoupé un autre collecteur temporaire, mais finalement, après une brève reconnaissance, nous comprenons que d’un côté c’est tout simplement la galerie Excalibur qui poursuit sa destinée, tandis qu’en profondeur, il s’agit d’une nouvelle galerie qui se détache. Comme c’est d’usage dans nos habitudes, nous allons effectuer quelques visées dans cette dernière, histoire de voir dans quelle direction elle file. De dimensions plus restreintes, environ 1,5 x 3 mètres, le sol est quelque peu argileux. Après quelques dizaines de mètres, une étendue d’eau profonde se présente entre des parois lisses et verticales. Comme nous n’avons pas envie de nager, la partie s’arrête ici, Game Over !
Au-delà, la galerie tourne gentiment et le plafond s’abaisse à 50 centimètres de l’eau, ce qui laisse supposer la présence imminente d’un siphon. Mais ce n’est qu’une simple supposition, il faudra bien un jour ou l’autre affronter cette rue d’eau. En tout cas une chose est sûre, nous sommes en présence d’un nouveau raccordement sur la rivière Lanceleau, que l’on suit parallèlement à un niveau supérieur.

Revenus au carrefour principal, l’heure est maintenant trop avancée pour découvrir ce que nous réserve la suite d’Excalibur. Après un petit lunch plutôt léger, histoire de ne pas trop charger les estomacs, nous entamons le retour, au rythme plutôt lent et régulier. Nous savons que c’est toujours après une douzaine d’heures que se manifeste les effets de la fatigue, affaiblissant l’attention, l’équilibre et la résistance, des facteurs souvent responsables de pertes de contrôle.

Plus loin, la zone des puits est jugée interminable, aussi bien pour celui qui tarde que celui qui attend. Un certain manque d’exercice serait-il en cause !?... Finalement, c’est sur les douze coups de minuit qui nous émergeons du gouffre, sous le regard clair et figé d’une belle nuit étoilée, avec en prime la chaleur contrastée du monde extérieure.

Avec 15 heures 30 dans l’univers de la nuit sans fin, 204 mètres viennent s’ajouter au développement, le réseau passe ainsi à 15'352 mètres.

Merci à Claudal pour ses photos