L'ancienne méthode demandait au minimum 6 personnes pour fonctionner, notre intention est de pouvoir travailler avec seulement la moitié de cet effectif. De cette façon, il sera plus facile de réunir du monde et ainsi augmenter la fréquence des travaux. Car si l'année 2007 n'aura permis de consacrer seulement 4 journées à ce gouffre, nous désirons vraiment intensifier les travaux si nous voulons espérer une jonction rapide avec le réseau des Fées. Il faut savoir que l'exploration dans les parties éloignées s'effectue à plus de 5 kilomètres de la seule entrée praticable, cela demande un engagement physique toujours plus conséquent. Une entrée intermédiaire permettrait de réduire ces efforts de plus de la moitié, donc pour une poignée d'intéressés cette jonction est devenue un objectif de première importance.

En conséquence, il y a deux mois nous avons pris contact avec Joël Scheuner, un professionnel indépendant dans la construction métallique, et spéléologue de surcroît ! Notre idée de base partait sur le principe d'un rail parcourant le trajet du fond du gouffre jusqu'à l'extérieur, sur lequel coulisserait un chariot hissé par un treuil. Finalement, le résultat dépassa largement nos espérances. Non seulement nos idées étaient concrétisées, mais ce n'était sans compter le savoir-faire et l'ingéniosité du professionnel puisque cette construction est tout bonnement incroyable. Le rail épouse parfaitement les parois du gouffre pour sortir à l'extérieur sur un portique majestueux, à faire pâlir une installation de téléski !!!...

Pour transporter des cailloux, Joël nous a également conçu une sorte de récipient métallique permettant de pivoter sur lui-même, afin de décharger presque sans efforts son contenu. Le tonneau est relié par une chaîne à un chariot, qui coulisse le long d'un gros rail avec un profil en T inversé. Le chariot est tiré par une corde qui vient s'enrouler sur le tambour du treuil électrique qui est fixé sur le sommet du portique. La partie électricité n'est pas non plus en reste, car Patrick notre professionnel de la branche, nous a élaboré un équipement à la hauteur de nos ambitions...

Sur le portique, un gros boîtier électrique centralise toutes les commandes de fonctionnement et de sécurité. De là s'échappe une sorte de grosse télécommande à câble permettant de piloter le treuil, et cerise sur le gâteau… avec un gros bouton d'urgence pour stopper le moteur en cas de problème. Cette fonction est également disponible sur un boîtier au bas du puits. Sur ce dernier, outre un raccordement pour travailler avec une éventuelle machine, un bouton-poussoir déclenche une sonnerie à l'extérieur, avertissant que la charge est prête à être hissée. Tout a été minutieusement étudié, c'est du grand art… Evidemment, toute la préparation a nécessité des dizaines d'heures en atelier pour nos deux spécialistes, la mise en place et les réglages ont encore demandé près de 4 jours sur le terrain avec l'aide de 4 à 5 personnes. A ce sujet la première de ces journées était de loin la plus épique, et notamment au moment d'amener tout le matériel sur place. Il faut s'imaginer un gros véhicule tout terrain sur un chemin de débardage en forêt, tirant une remorque de 5 mètres de long et devant peser près d'une tonne et demie avec son chargement… Nous sommes quand même arrivés à bon port, mais en devant s'y prendre en plusieurs fois. Le retour ne s'est guère passé mieux, nous avons dû avoir recours à un treuil à essence pour manœuvrer la remorque !

Finalement, avec déjà tous ces efforts consentis à la préparation et l'installation, nous ne pouvons qu'espérer qu'ils seront un jour récompensés ; puisse une étoile heureuse nous écouter et illuminer le chemin de notre réussite !

Aujourd'hui, c'est donc la reprise officielle de la désobstruction. Comme l'on pouvait s'y attendre, il y a du monde pour ce grand jour, à savoir Bertrand, Claudal et Pierre du Spéléo Club de Cheseaux, Benoît, Jacques, Philippe et Marc du Groupe de Lausanne, et Joël du Spéléo Club Nord Vaudois. Cette désobstruction devient une activité interclubs, c'est très sympathique.

Le matin, Bertrand et Pierre commencent le remplissage du tonneau au bas du puits. Avec la nouvelle installation, c'est évidemment le poste le plus éprouvant puisqu'il faut remplir le récipient. Dehors la tâche est plus aisée et consiste à piloter le treuil ! Lorsque la charge arrive au terme du rail, il faut ensuite enlever 2 goupilles permettant de faire basculer le tonneau pour déverser le flot de cailloux. La première heure n'est pas très rentable, il y a encore de nombreux détails et réglages à peaufiner. La cadence devient ensuite plus régulière. Le résultat ne se fait pas attendre puisque chaque tonneau ressort avec l'équivalent de 6 de nos anciens seaux, soit une charge qui doit approcher les 80 kilos !

Avec la pause de midi, arrive l'heure des traditionnelles grillades. Nous disposons d'un barbecue que nous laissons sur place, suffisamment grand pour que chacun puisse griller sa viande en même temps. D'ailleurs, dès notre arrivée le matin certains s'activent immédiatement à préparer les braises ! Tout cela fait partie des bons moments, où il faut bien compenser un peu l'austérité des travaux. Aujourd'hui, le mobilier s'est même agrandi puisque nous disposons dorénavant d'une grande table pour poser nos victuailles et autres ustensiles. Il manque que les bancs, mais en attendant nous nous servons des billes d'un tronc fraîchement coupé. Elles proviennent d'un gros sapin déraciné par le vent durant les mois de l'hiver, qui bizarrement a terminé sa course exactement sur l'entrée de notre gouffre. Nous avons alors alerté le garde forestier qui nous a envoyé un bûcheron afin de nous dégager les abords de l'entrée.

L'après-midi, c'est au tour de Claudal et Joël de prendre le relais au bas du puits. L'hiver et les incessantes pluies de ces derniers mois ont rendu les sédiments très humides, ce qui non seulement rend le travail très salissant, mais également plus difficile l'extraction des sédiments. Néanmoins, l'ardeur ne faiblit aucunement, et c'est sans relâche que nos deux compères vont s'acharner pendant tout l'après-midi. En fin de journée, il n'y a qu'à regarder la masse d'éboulis brunâtre déversée au bord du gouffre pour se rendre compte que notre nouvelle installation est vraiment efficace. Nous avons ressorti au total 55 tonneaux, soit 4 à 5 tonnes de rocher. Chacun est donc satisfait de cette belle journée, avec un soleil rayonnant enfin de sa chaleur bienfaitrice, d'autant agréable après de si longs mois gris et pluvieux.